Swoon
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Swoon

Film de Tom Kalin (1992)

Leopold et Loeb : troisième version

Il y avait eu "Rope" de Alfred Hitchcock en 1948, puis "Compulsion" de Richard Fleischer en 1959, et c'est donc en 1992 que l'américain Tom Kalin réalise son adaptation cinématographique de l'affaire "Leopold et Loeb", du nom du fait divers sordide qui avait choqué son époque lorsque deux riches étudiants américains en droit de l'université de Chicago, alors âgés de 18 et 19 ans, avaient été arrêtés en 1924 pour l'enlèvement puis le meurtre d'un adolescent de 14 ans. L'histoire est désormais connue, mais ils entendaient par cet acte démontrer leur supériorité intellectuelle et commettant ce qui devait apparaître comme le crime parfait. Échec.


Tom Kalin pose un regard très différent de ceux de Hitchcock et de Fleischer sur l'affaire, beaucoup plus direct et s'inscrivant dans une veine très marquée du cinéma expérimental — en réalité on est en plein New Queer Cinema, et "Swoon" s'appesantit dans cette optique davantage sur l'homosexualité des deux coupables que les autres films inspirés de cette affaire. Le film avance avec son style solidement affiché et revendiqué, noir et blanc granuleux, montage régulièrement étrange, tonalité bien sûr rebutante dès lors qu'on connaît les objectifs des deux protagonistes... "Swoon" égraine ainsi les étapes de l'histoire en insistant sur la relation entre les deux fous furieux : état du couple, planification de l'assassinat, déroulé des événements le jour J, puis enquête, interrogation, emprisonnement, et suite des épisodes — avec insertion d'images réelles dans les derniers temps.


On est très loin de la reconstitution historique et méthodique : ce qui intéresse le plus Kalin, c'est la perversion de leur relation, d'une part, et les préjugés manifestes qui entacheront leur procès (ils sont juifs et homosexuels, c'est beaucoup pour l'époque, les années 1920, mais c'est paradoxalement ce qui leur a sauvé la vie, puisque leur avocat plaidera la démence et leur évitera la condamnation à mort). L'ensemble est volontairement décousu sur le plan de la narration et c'est ce qui nuit principalement à l'adhésion, dans un style finalement assez opposé au soin apporté à la reconstitution de l'époque. Une évocation bizarre de cette affaire qui avait marqué la société par les profils atypiques des auteurs du crime, par leur acte gratuit qui résonnait comme une déclaration philosophique peu commune.

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le 5 nov. 2024

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Morrinson

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