On dit souvent que la vengeance est un plat qui se mange froid. Ici elle est servie à chaud, et c'est justement ce qui refroidit. Premier volet de "la trilogie de la vengeance" de Park Chan-Wook; Sympathy annonce la couleur et elle est chaude: le rouge.
Si la justice est aveugle, l'instrument de la revanche est bel et bien sourd et muet. Non pas pour les évidentes raisons liées aux handicaps d'un des principaux protagonistes, mais parce que quoi qu'il arrive, quoi qu'il puisse être dit pour justifier ou excuser, rien n'atteint celui qui a tant perdu que même sa propre humanité se retrouve égarée. L'existence fait place au but, l'humain devient instrument, l'autre est soit un obstacle soit la cible.
Drôle de choix ce terme "sympathy".
SFMV commence comme un film social, réaliste, sans concession: la galère, les emmerdes, le chômage, la maladie, l'injustice. La caméra de Park dépeint - à l'aide d'une composition de l'image et de cadrages remarquables - un monde froid, sans empathie, qui se vide de toute humanité et de compassion. De cette société antipathique découle tout un ensemble de facteurs pernicieux et vicieux qui constituent les engrenages implacables d'une suite logique mais néanmoins injuste d'évènements malheureux qui s'enchainent et empirent la situation précédente, déjà bien délicate.
Toute la réussite du film réside dans cette démonstration qui a pour effet de souligner pour mieux dénoncer l'absurdité des choses.
La vengeance est montrée comme absurde parce que vaine, absurde comme cette image bien connue du poisson qui se fait bouffer par un plus gros qui se fait bouffer par un plus gros encore. La vengeance devient tellement grosse, l'escalade parait tellement surréaliste vers la fin, qu'elle en devient absurde.
La vengeance est un plat qui se mange froid, s'avale de travers, et se conclue par une toux grotesque.
Quasi muet dans ses premières minutes, le film prend son temps pour poser le décor. On est avertis d'emblée que les mots n'ont aucun pouvoir dans cette histoire, tout est affaire de gestes, malheureux ou fatals; une succession d'erreurs de jugement et d'exécution qui vous explose au visage dans un cruel effet boule de neige. Un traitement réaliste renforcé par une musique presque absente durant tout le film, si ce n'est à deux ou trois rares occasions où elle revêt plutôt l'aspect d'une cacophonie soulignant de façon parfaitement adéquate le chaos des sentiments de l'instant qu'elle accompagne.
Un premier opus dont la violence se révèle plus existentialiste que physique, fort et pathétique, aussi juste que son jusqu'au boutisme paraît hors de la réalité.
Mais qui s'inspire de quoi in fine?
P.S: Cette critique est en lien avec celle de Old Boy: http://sens.sc/IP2IBT et celle de Lady Vengeance: http://sens.sc/KJVxHe