Si Patrick Sébastien avait l'ambition de devenir un grand réalisateur concurrençant Christopher Nolan et Xavier Dolan, alors je peux comprendre qu'il souhaite faire oublier l'existence de cet essai. Mais qu'il se rassure, le cinéma des deux pré-cités n'est pas si mirobolant et s'il a des arguments techniques, il ne prend pas de gros risques à côté. T'aime est un film bancal mais ce n'est pas celui d'un professionnel de la profession, d'un pédant ou d'un super-ambitieux, c'est celui d'un animateur optimiste et humaniste qui a décidé de passer derrière (et devant) la caméra pour nous raconter une histoire charmante et véhiculer un message positif. En prenant des risques vis-à-vis de sa carrière et en se montrant audacieux dans son propos.
T'aime est un film ultra-naïf pour de vertueuses raisons et surtout un film sincère. Le docteur n'a pas tort lorsqu'il refuse de s'apitoyer sur le sort des autres, ou de chercher à punir les coupables quand ils sont incapables de mesurer leurs actes. La formule « l'avenir de l'Humanité c'est l'amour pas le valium » est juste même si à l'oreille elle sonne grotesque. On a jamais vu des gens revenir à la vie complète suite à des ingestions massives de médicaments ; des légumes et des post-dépressifs baratineurs, il y en a des masses, on en ignore plus encore car ils s'enterrent, au propre ou au figuré, par nécessité ou par leur(s restes de) volonté. Sans compter tout le mal qu'infligent l'industrie pharmaceutique, la psychiatrie et le reste des fournisseurs d'alibis à tous les pétés de ce monde, à qui on colle des étiquettes psy et autant de fautes morales indirectes ou de déterminismes humiliants, pour supporter une réalité où ils ne sont que des « trous de cul » (ainsi parla la bête ! - et pour une fois elle n'a pas tort, cf cette critique). Par conséquent, Patoche a raison lorsqu'il refuse de qualifier la gamine violée de « malade ». Dire qu'elle « est ailleurs » manque de rigueur, mais c'est déjà plus aimable et optimiste, en plus de se rapprocher des faits et de nous les communiquer poétiquement. Par ailleurs traiter l'handicapé de « débile » même si c'en est un manque de charité.
Alors pourquoi se moque-t-on et surtout à ce point ? Car le message est infantile et à cause des côtés excessifs (ce ne sont plus des côtés, ça déborde, je vous l'accorde) !? Cette candeur serait donc insupportable à la plupart !
Or bien souvent vous n'êtes pas plus malins et réalistes. Dans des tas de situations vous êtes des patoches, voire des ultra-patoches, pleurnichant sur le manque de bienveillance des uns, les mauvaises pensées des autres. Le pire étant lorsque vous croyez soulever de grands questionnements ou découvrir la vérité vraie et crue, nécessairement indigne – mais bien utile pour l'occasion car vous pouvez pavoiser, 'oh hoho, je suis un vrai petit sociologue/on me la fait pas, moi j'ai tout compris qu'est-ce qui se trame/eh ouais j'ai lu Le monde diplomatique je sais comment ça marche !'. Du genre « le saviez-vous : la politique aujourd'hui est envisagée comme un marché électoral ! Avec des cibles, des intérêts particuliers etc ! Moi je dis c'est une honte, car c'est l'intérêt général qui compte ! Comment peut-on en arriver là ! ». Ou encore : « oh lala que certains religieux sont méchants et renfermés ! La religion ça devrait prêcher la gentillesse ou disparaître ! ». Sans oublier « les patrons ils pensent qu'à eux, mais pourquoi qu'ils pensent qu'à eux ces gens-là, alors que moi aussi j'ai des droits ! En fait ce sont des privilégiés mais ça on nous le dit pas ! Or en quoi un patron il mérite mieux que moi, j'ai deux bras deux jambes un cerveau et un trou du cul tout comme lui, nous sommes humains d'égal à égal si nous on met à poil ! ».
Mais c'est ainsi, les non-habiles et fiers de l'être adorent se foutre de la gueule des crétins de service, alors qu'eux-mêmes sont juste des crétins, mais sans la passion et l'exposition. Au moins Patoche créée, met son cœur et son courage, pendant que d'autres jettent des pierres en se grattant les couilles, qu'ils auront petites à force de manque d'entraînement. Moi aussi j'ai besoin de boucs-émissaires rassurez-vous : vous serez les miens. Au moins les connards cyniques et les déchets misanthropes sont cohérents lorsqu'ils se foutent de ce film, tandis que les moralistes et les bien-pensants qui se donnent les moyens d'être légitimes ont toute latitude pour s'exprimer (s'ils le font bien). Mais les kikoos de la bonne entente et du bon plaisir, vous n'êtes pas à votre place ! Retournez vous clasher à propos des Marvel et dire du mal des comédies françaises – dont vous ne raterez pas un exemplaire bien que vous deviez être avertis depuis le temps, mais ça c'est un mystère aussi grand que celui de la foi.
À ce genre d'attitudes je préférerais toujours celle de Patoche, même s'il est lourd, ou celle de tels praticiens, car au moins eux mentent franchement et à bon escient. Je regrette tout de même la charge contre ce Monsieur Gaultier, car au fond ce n'est qu'un égoïste comme un autre ; le film se grandirais à se montrer plus compréhensif à son égard (il semble y avoir un pardon vers le milieu puis patatras), mais cette faculté n'est pas la sienne en général. Le problème c'est que dans une œuvre on doit aussi expliquer, aller en profondeur, pas seulement agir et affirmer, ce qui est plutôt pour la vie courante, les décisions, là où il faut du rapide et de l'émotion avant tout. Enfin le véritable grand reproche que j'adresserais au film, c'est de trop se concentrer sur la volonté du docteur Patoche. Il écrase tout, en fait trop (d'où les dialogues pachydermiques) et n'étoffe pas suffisamment son 'expérimentation' (on voit « l'amour absolu » proclamé, on voit bien des activités du quotidien, mais ça manque de généralisations, de méthodes). Enfin je pense qu'effectivement les trisomiques ont le droit de faire des enfants, même si ça minimise les chances d'offrir au monde des lumières.