T-wo-men
T-wo-men

Film de Werner Nekes (1972)

Prodigieuse découverte que celle du cinéma de Werner Nekes... Réalisateur et penseur hors-paire du montage ledit Nekes conçoit au début des années 70 cet étonnant T-Wo-Men, expérience visuelle, sonore et cinétique parfaitement fascinante.


En cinq chapitres clairement distincts Werner Nekes étudie les innombrables analogies intrinsèques aux images qu'il présente à travers la forme saisissante du maelstrom. Tout ( énormément, du moins ) est affaire de structure rythmique et de durée dans ce morceau de cinéma XP studieux et passionnant. En confrontant deux images consécutives à la manière d'une émulsion chimique Werner Nekes redéfinit le montage des attractions cher au révolutionnaire S.M. Eisenstein, en prolongeant le système cumulatif de son enchaînement de plans à des fins impressionnantes.


Le premier chapitre nous présente une séquence singulière de complicité féminine ponctuée de visions troubles et champêtres. Au gré d'une musique ressemblant à un envoûtant leitmotiv largement entouré de longues plages de silences ( on pense beaucoup au mélopées cycliques, répétitives et résonantes de Arvo Pärt... ) Nekes met en scène sa propre femme dans une saynète chatoyante fondée sur le rapprochement des plans et le principe de réminiscence...


Le second chapitre, davantage agressif, est un superbe petit monument de trituration scopique. Prémices des expérimentations de Teo Hernandez ( le regard ultra-centrifuge, azimuté de la séquence annonce le chef d'oeuvre Nuestra Señora de Paris ) ce numéro 2 joue beaucoup sur l'attraction et la création de nouveaux états émotionnels. La musique concrète et bruitée s'incorpore parfaitement au tourbillon sus-cité.


S'ensuit un troisième segment grisant et disparate, reprenant le principe de surimpressions déjà présent dans les deux premiers, mais le poussant ici jusqu'à un inédit paroxysme. Brakhage vient à l'esprit au regard des visions voilées, pompées proposées par Nekes. Encore une fois le montage invite à faire des ponts avec ce qui a été posé devant nos yeux auparavant, manière éloquente de faire exister le silence et l'invisible. Superbe.


Une quatrième scène intégralement silencieuse, petit morceau de bravoure de cinéma expérimental. Vision d'un plaisir charnel partagé entre deux femmes du point de vue d'une entité fantôme : les plans rougeoyants et photographiquement rabattus évoque et/ou suggère le point de vue d'un embryon. Ce numéro 4 reprend le principe d'attraction poussé à bout du second chapitre, invitant le spectateur à une transe muette hallucinogène...


Enfin T-Wo-Men s'achève par un medley visuel conjuguant surimpressions et stroboscopie. Les couleurs chaudes et organiques rappellent les fulgurances psychédéliques propres aux seventies. La séquence est stupéfiante dans sa capacité à effacer les repères temporels et visuels. Voilà donc un film XP hénaurme, passionnant, tour à tour objet d'études et trip sensoriel erratique mais paradoxalement savamment chiadé. A re-voir absolument !

stebbins
9
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le 10 mai 2020

Critique lue 78 fois

stebbins

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