Tableaux d’une Exposition est une œuvre atypique d’Osamu Tezuka parce qu’elle n’est pas un simple animé de divertissement : elle fait aussi penser à un film d’avant-garde. Bien sûr, la part fictionnelle reste primordiale, mais vient s’y ajouter une touche poétique et expérimentale inhabituelle à ce point-là chez le maître.
Comme pour Fantasia, dont il semble s’inspirer, le film met en images une œuvre musicale du répertoire classique datant de 1874, Tableaux d’une Exposition du compositeur russe Modeste Moussorgski. La caméra nous emmène ainsi dès le début dans un musée bien réel, aux murs couverts de portraits dessinés, et glisse des uns aux autres jusqu’à s’arrêter et zoomer sur un heureux élu qui finit par s’animer et nous emporter dans une séquence animée ; celle-ci terminée, on retourne à la galerie et on laisse le personnage somnoler dans son tableau, de nouveau inanimé. Puis on passe au suivant.
Dix courts métrages vont ainsi se succéder, tous très distrayants et surtout très réussis sur le plan de l’expérimentation graphique. Les scénettes s’enchaînent avec maestria, dans une folle invention visuelle à l’unisson parfaite de la musique, et donnant l’impression que les images naissent de la partition même, presque comme si elles en étaient une émanation naturelle. De plus, Tezuka oblige, son éthique inspirée du bouddhisme est présente partout en filigrane : l’homme est une créature parmi d’autres devant tenir sa place dans le cosmos et surtout respecter l’ensemble du vivant. Message que les initiés à l’auteur connaissent par cœur, mais qui est ici plus convaincant et paraît moins naïf que dans d’autres œuvres du mangaka puisqu’il est présent dans chacun des courts-métrages de façon très discrète, comme effacé, laissant les histoires et les dessins le porter magistralement.
Très vivement conseillé à tout fan d’animation qui passera un agréable moment de divertissement tout en admirant les impressionnantes inventions graphiques de cet animé. Une grande réussite de Tezuka qui mérite amplement d’être sortie de l’oubli.