L'actualité malheureuse de ces dernières semaines résonne de plein fouet avec le nouveau film de Nicolas Saada "Taj Mahal". S'étant posés la question de la pertinence de maintenir sa sortie dans un temps ou le deuil et l'effroi régissent le pays, décision à finalement été prise de laisser vivre le film en salles. Difficile de se prononcer, tant les arguments allant à son encontre autant que ceux favorables peuvent être recevables. Ne reste plus alors qu'à juger ses qualités intraséques pour tenter de comprendre quel est le point de vue du cinéaste sur les attentats perpétrés à Bombay en 2008.
La qualité de la mise en scène et la sobriété des acteurs est ce qui ressort en premier lieu. Multiconfessionnelle et d'une grande précarité, spécialement au cœur de cette ville qui s'étire dans un horizon infini, L'Inde grouille d'une population hétéroclite qui se côtoie sans se mélanger. La disparité des classes sociales tend à distinguer chaque caste à un rang spécifique qui hiérarchise la population.Cela se ressent dans les plans composés qui embrassent un vaste panorama du pays et savent en magnifier sa diversité. Ils savent aussi révéler tout l'attrait des touristes étrangers pour cette Terre Spirituelle ou L'Hindouisme fait foi. La photogénie du pays se prête harmonieusement aux mouvements de caméra qui magnifient les monuments et capte délicatement le soleil couchant. Cette première partie permet une meilleure immersion dans la nouvelle aventure que vivent ce couple et leur fille. Elle participe de l'empathie que nous ressentons pour ces expatriés qui s'adaptent tant bien que mal à une autre vie. Et nous prépare ainsi à une seconde partie beaucoup plus anxiogène, au centre d'un dispositif suffocant.
Le grand hôtel luxueux au sein duquel vivent ces français est d'architecture comparable au Taj Mahal, ce palais traditionnel historique dans la culture hindoue. Au croisement des civilisations islamique, iranienne, ottomane et indienne il constitue la quintessence du culte religieux. Situer l'action du film dans ce carrefour n'est pas fortuit. L'attaque meurtrière lancée contre ce bâtiment à une portée plus que symbolique. Un avertissement est lancé aux spectateurs qui dit s’être inspiré de faits réels mais ne pas les avoir repris stricto sensu. S'agit il d'une revendication politique, d'un acte prémédité contre certaines valeurs? Le long-métrage ne se risque jamais à abonder dans ce sens, se contentant de nous faire vivre de l'intérieur une prise d'otages sanglante, sans parti-pris aucun. Nous sommes ainsi sommés d'observer au plus près cette jeune fille survivre. Ce choix apolitique est certes haletant, et la frénésie qui découle de son enfermement physique et psychologique secoue tant nous pouvons aisément imaginer la panique s'instiller subrepticement eu égard à la situation donnée. Mais il pose également la question de la nécessité de produire un tel "survival". Entendons nous bien, il ne joue jamais la surenchère et sait poser une ambiance apocalyptique avec une certaine finesse. L'amplification du son extérieur rend bien l'angoisse et les échanges réguliers entre les parents et l'enfant disent avec tact toute la peur et la fatigue ressentie. Soyons aussi gré aux acteurs de ne pas transformer ce drame humain en larmoyant pensum. Ils apportent une authenticité bienvenue qui évite l'indigestion propice au mélodrame phagocyté.
Mais enfin, quelle réflexion cela nous apporte t'il? quelle est l'utilité de se plonger viscéralement dans un exercice de genre qui ne nous raconte rien (ou si peu) d'un trauma intérieur? Faut il en passer par le "spectacle" d'une épreuve que l'on devine sans peine atroce pour daigner attirer le public? La vacuité de ce vacarme est amoindrie par la sincérité du propos que veut faire passer Nicolas Saada: est-ce suffisant pour en faire un film recommandable......Le dénuement est à l'avenant, enfonçant des portes ouvertes sur le besoin impérial de communiquer pour ne pas s'enfermer dans le délabrement et sur les gestes du quotidien qu'il faut se réapproprier car la vie est ainsi faite. Intéressant mais trop superficiel.

Sabri_Collignon
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le 4 déc. 2015

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