Take Shelter est un film vu dans de mauvaises conditions. Salle extrêmement petite et donc bondée avec en plus des jeunes cons arrivant jusqu'à quinze ou vingt minutes en retard, faisant du bruit et ne respectant rien. Difficile de rester concentrer sur le film au début. Rien que pour ça une énorme envie de le revoir.
L'oeuvre commence avec une tempête, un bruit assourdissant et une musique glaçante. Directement, le ton est donné par Nichols.
La première partie du film présente en effet une famille unie, soudée. Les revenus sont là, mais ce ne sont pas des gens riches. La famille est modeste, représentant tout simplement l'Américain moyen, avec ses problèmes de santé, d'argent, de boulot, etc., mais aussi ses joies de la vie en famille et l'amour que l'on retrouve au foyer.
Pourtant, le personnage de Curtis va perdre petit à petit pied. Pourquoi? On ne le sait pas trop. Parce que sa région est infestée de tempêtes, une habitude dans certaines régions des USA? Une peur de devenir schizophrène comme sa mère? Là non plus on n'en sait rien.
Toujours est-il que Curtis va rentrer dans une paranoïa incroyable. Pour se rassurer, il remet à neuf son abri anti-tempête et y passe de plus en plus de temps à lire des bouquins sur les maladies psychiques. Avec cela, son environnement social éclate. Il donne son chien, s'éloigne de son meilleur ami et même de sa femme. Son couple et sa famille s'ébranlent. Un superbe plan le montre lors d'un diner de famille où Curtis parle de nettoyer l'abri et où personne ne lui répond. Il sort petit à petit du cercle familial.
Les trente dernières minutes sont une véritable apothéose. Car si Curtis sombre dans la folie, il peut encore compter sur l'amour de sa femme qui va tout faire pour l'aider à en sortir. Cela passe par la formidable séquence dans l'abri lors d'une tempête.
Enfin, à travers le personnage de Curtis, il est difficile de ne pas y voir une parabole de l'Amérique se repliant sur elle-même et sur ses peurs, ne s'ouvrant plus aux autres et cédant à la paranoïa. La mère du héros pense qu'elle est écoutée et surveillée. On y voit des infos sur l'anthrax en arrière-plan chez un médecin. Tout est savamment bien étudié. On y évoque également la société et la difficulté du monde économique qui nous entoure. "Tu dois toujours rester attentif ou tu crèves", phrase résumant parfaitement bien l'économie d'aujourd'hui.
La fin est en effet digne de ce que les Coen ont fait avec A Serious Man. Elle est ouverte, mais on peut y déceler un indice. La cuisine de la plage est celle dont avait rêvé Curtis dans un de ses cauchemars. Ce n'est pas forcément la fin du monde, c'est la fin d'un monde que s'était construit une famille américaine, une famille comme Curtis. Celle peut-être de notre monde d'aujourd'hui. La fin d'une ère pour en entrer dans une nouvelle. Les acteurs sont incroyables, Michael Shannon est au sommet de son talent.
Revu en 2015, je confirme que Nichols a tout d'un grand.