Le monde dans lequel nous vivons est difficile. Curtis Laforche (Michael Sannon) ne le sait que trop bien. Pressions familiale et financière s'ajoutent aux angoisses d'épidémies et de catastrophes naturelles.
C'est dans ces circonstances qu'il commence à faire de terrifiants cauchemars qui prennent bientôt la forme d'hallucinations... On y voit les nuages le menacer, la pluie devenir huileuse, prémisses d'une catastrophe que rien ne semble pouvoir arrêter.
Sont-ce de simples rêves ou bien faut-il y voir un présage...? Curtis y croit dur comme fer en tout cas, au point de s'atteler rapidement à la refonte complète de son abri anti tempête.
Savoir comment tout cela va finir suffirait amplement à Jeff Nichols pour remplir son contrat d'amuseur public. Mais il n'est pas amuseur public, en tout cas pas seulement. C'est surtout un cinéaste qui a quelque chose à dire.
Comme d'autre avant lui, Nichols use d'un genre pour nous parler d'autre chose. À l'instar de Kubrick faisant "Shinning" pour nous parler de la famille, Nichols fait "Take Shelter" pour nous parler de l'Amérique du début du XXIème siècle. Une Amérique pleine d'appréhension.
Ainsi, le personnage de Curtis doit aussi bien affronter ses visions apocalyptiques que le prix des carburants, la nuée d'oiseaux est aussi angoissante qu'un prêt à la banque et la pluie huileuse glisse entre ses doigts aussi facilement que ses économies. Malgré tout, dans ce marasme ambiant persiste un espoir ; l'amour et au-delà de ça, la famille !
À l'inverse de tonton Stanley, Nichols nous dépeint une famille empreinte d'authenticité et d'altruisme. Face à un mari renfermé aux prises avec ses démons, Samantha (magnifique Jessica Chastain) lutte pour le comprendre et l'aider, vision touchante d'un couple dont la relation est le cœur de l'histoire.
Michael Shannon est parfait dans ce rôle inspirant à la fois empathie et méfiance. Jessica Chastain inonde de sa douceur, tout en se montrant ferme et autoritaire au moment opportun, un rôle dans lequel elle est plus sublime que jamais (non mais vraiment quelle photogénie !!!).
La mise en scène de Nichols, épurée et efficace, ballade constamment le spectateur entre la tension qu'engendre les hallucinations et l'harmonie que cherche à (re)trouver la petite famille. Son utilisation de la caméra installe une tension qui ne m'a pas lâché du début à la fin tandis que la partition de David Wingo épouse le récit à la perfection.
Décidément, le cinéma indépendant américain continue de surprendre et c'est pas moi, pauvre spectateur français, qui vais m'en plaindre !