On comprend la démarche de Jeff Nichols voulant réconcilier le spectaculaire d’un blockbuster avec l’intimiste d’un film d’auteur, on peut être sensible à l’environnement délabré et en fin de vie d’un Sud américain qui peine à se relever des ouragans symboliques qui le dévastèrent il y a peu. Il n’empêche qu’en dépit d’un début très efficace et d’une fin magnifique, Take Shelter ennuie tout au long de son ventre mou par des scènes répétitives et étirées au maximum qui nuisent à l’immersion totale du spectateur. Si les retournements dramatiques se devinent assez aisément, la réalisation affiche un postulat néo-réaliste teinté parfois de poésie qui se retrouve de la même manière dans les rêves, de sorte à brouiller, pour le spectateur, les frontières de ce qu’il voit. En résulte un appauvrissement réciproque de l’univers fantasmagorique dépeint qui illustre parfaitement une mentalité en prise avec son milieu. On aurait toutefois aimé perdre pied dans une Amérique elle-même perdue pour mieux se retrouver à l’abri sous le toit familial, thème ô combien apprécié par Nichols (cf. Loving). Ne demeure qu’un léger vertige occasionné par une fin géniale. Trente minutes en moins et se tenait là un grand film.