En démarrant le film, j'ai eu une petite pensée pour Nischal Basnet. Le succès de Loot (critique), son premier long métrage, l'a propulsé comme l'une des figures montantes de l'industrie du cinéma népalais. La preuve vivante qu'il est possible de s'écarter du classique schéma bollywodien tout en explosant les scores au box office. Mes attentes était donc assez importantes.


Talakjung vs Tulke est une comédie dramatique écrite par Khagendra Lamichhane et adaptée de La Véritable Histoire de Ah Q, nouvelle de l'écrivain chinois Lu Xun.


Dans un petit village népalais isolé, Talakjung (Khagendra Lamichhane), se bat pour se forger un nom et se faire respecter par son entourage qui ne cesse de le surnommer "Tulke". Depuis la dépossession de ses terres par Babusaheb, le Mukhiya (chef) du village, il vit dans la pauvreté et enchaîne les petits boulots sans grande conviction. Naïf, égocentrique et colérique, son animosité grandissante réussit à le faire chasser du village. Après 10 longues années passées à Katmandou, il décide de revenir avec un esprit revanchard; jusqu'à ce qu'il découvre que la révolution a totalement changé le village...



Ils m'ont chassé comme un chien, me voilà revenu comme un tigre




Talakjung, le cheval de Troie



Je suis assez impressionné par la manière avec laquelle le film parvient à aborder cette toile de fond historique bouillonnante en jonglant assez habilement entre légèreté et gravité. Le film ne fait pas tellement de concession avec le portrait de la guerre civile népalaise, quand bien même elle ne s'est achevée que très récemment en 2006. Des abus du système féodal du village aux exactions des révolutionnaires en passant par l'oppression du gouvernement en place, nous sommes plongés dans le quotidien de la population rurale qui a beaucoup souffert du conflit.



Les gens disaient que la révolution apportait la ruine.



Il semble qu'ils avaient raison.



La candeur de Talakjung permet de désamorcer bon nombreux de situations sans que ça deviennent pour autant énervant. Ce personnage a tout pour être détestable, mais il reste très attachant. Même lorsqu'il tente de s'impliquer réellement, son regard innocent apporte une certaine distanciation sur les événements. Il agit pour retrouver sa liberté. Il agit pour retrouver son identité.



Je souhaite également être révolutionnaires, pour dire aux autres révolutionnaires de ne pas tuer les gens.




Nischal Basnet 2.0



La construction du film est malheureusement assez bancale. La seconde partie est légèrement plus confuse et souffre d'une manque de rythme. Un montage plus resserré lui aurait fait beaucoup de bien, notamment lors du passage à Katmandou qui est assez répétitif.


Talakjung vs Tulke est malgré tout beaucoup mieux maîtrisé que Loot. Il y a toujours quelques petites imperfections comme un mixage pas tout à fait bien balancé, une surexploitation de musiques qui rentrent parfois en décalage avec certaines scènes ou encore 2/3 choix artistiques douteux, mais oui, Basnet a fait un bond considérable en technique !


Il a su également réutiliser les bons ingrédients qui font la recette de son succès : s'écarter du schéma bollywodien tout en répondant à son cahier des charges minimal. Le film ne comporte qu'une musique dansante moderne qui a lieu dans un night-club comme dans Loot. Le casting comporte quelques stars locales comme une Reecha Sharma (Loot, Highway...) toujours aussi touchante et un Dayahang Rai (Loot, Highway, Kabaddi, Saanghuro,...) qui crève toujours aussi bien l'écran.


Le film a bien été accueilli par la critique et l'industrie. Il fut notamment récompensé par 5 prix, dont celui du meilleur film aux NEFTA Award 2015. Il a également été diffusé dans plusieurs grands festivals asiatiques (SIFF en Chine, DIFF en Inde).




Talakjung vs Tulke est une petite épopée personnelle qui parvient à nous plonger dans le contexte de la guerre civile népalaise avec une certaine légèreté. Si le film souffre d'un problème de rythme, il reste néanmoins agréable à suivre.


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le 18 mai 2016

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