Prostituées, précarité, vulgarité

Le hasard fait bien les choses : quelques heures avant que Sean Baker ne se voit attribué 4 Oscar, je tombais sur Tangerine – une petite perle rare, acide et grotesque, dont la lignée avec Anora ou The Florida Project est claire : prostituées, vulgarité, précarité en sont les maîtres-mots, le tout mis en scène avec une franche liberté de cinéma indépendant. Très plaisant.

Baker ose : il filme avec des I-phones dans la rue, sauvagement parfois, choisit des actrices non professionnelles transsexuelles et ex-putes, ne lésine pas sur la grossièreté et la vulgarité. Le résultat est étonnant : les situations, les personnages, les dialogues frappent par leur réalisme et leur sincérité presque documentaire. Grâce à une créativité narrative remarquable, le grotesque y est ouvertement convié et donne lieu à des scènes aussi drôles que pathétiques, souvent réussies et authentiques – que ce soit dans le taxi, sur le trottoir ou dans le magasin de donut – la palme allant selon moi à ce « french » réalisée dans le taxi entre les splash du lavage automatique. Sans jamais ridiculiser ses personnages, malgré leurs claires failles et lacunes, Baker les comprend tous, nous les rend sympathiques et nous conduit à les estimer.

Un film comme une hallucination.