"Tank Girl" avait tout pour être un projet foireux. Son échec est donc totalement compréhensible.
1995: Le personnage déjanté du comics de Jamie Hewlett connaît ses heures de gloire sur papier. Du coup, pourquoi ne pas en profiter pour adapter les aventures barrées de l'anti-héroïne australienne sur grand écran?
Le projet est mis entre les pattes de Rachel Talalay, illustre inconnue, apparemment bien embêtée pour se dépatouiller avec un matériau d'origine, il faut bien le dire, inadaptable.
Ben oui, "Tank Girl", ce sont des aventures souvent courtes, sans queue ni tête, où le fun gratuit et les références très pointues à la pop-culture règnent en maître. Les personnages ne connaissent pas d'évolution linéaire, leur comportement suit rarement des règles pré-établies, et le quatrième mur se brise tellement que même Deadpool aurait du mal à suivre le rythme.
Alors attention, le film est un ratage, mais Talalay a eu le mérite d'essayer de proposer sa vision du personnage et de son univers. On sent d'ailleurs un investissement de chaque instant de tous les participants au projet.
Lori Petty surjoue jusqu'à l’écœurement et rappelle plus une sorte de sous-Harley Quinn fol-dingue que la punk pince dans rire de Hewlett. Malcolm McDowell cabotine avec un enthousiasme non dissimulé dans son rôle de méchant PDG, et même les acteurs qui interprètent la bande de kangourous mutants (oui, vous avez bien lu) semblent se donner à fond.
En fait, seule la très jeune (et belle) Naomi Watts (dans le rôle de Jet) paraît à peu près normale, et doit se demander constamment dans quel guêpier elle est allée se fourrer.
Le principal problème du film... Bon, l'un des principaux problèmes, c'est son scénario. En fait, malgré ses tentatives infructueuses de se présenter comme un projet barré, "Tank Girl" déroule une intrigue ce qu'il y a de plus bateau.
Dans une Australie post-apocalyptique (jusque là, c'est le pitch de la BD), un entreprise essaie d'avoir la main mise sur toute l'eau, ressource rarissime. L'héroïne et ses amis vivent dans une planque et volent de l'eau à la firme qui lance une attaque contre eux. Tank Girl finit prisonnière, s'évade avec l'aide de Jet, une pilote employée de la firme, et elles se mettent toutes deux en quête d'une gamine et amie de l'héroïne, elle aussi retenue prisonnière par les méchants.
En gros, le film propose une énième variation autour de la lutte entre un puissant empire et une bande de rebelles au grand cœur. Sauf que faire coller autant de platitude à l'esprit si perché de "Tank Girl", c'est pas gagné, et pour cause, les tentatives d'insérer du fun et un esprit déjanté sont des échecs cuisants. Alors ok, y a peut-être une ou deux scènes de comique volontaire réussies mais sinon...mon Dieu, quel malaise. Le sommet sera atteint par la scène de danse dans le bordel pour distraire la sécurité et sauver la gamine...quelle horreur.
En fait, c'est comme si la réal te tapotait sur l'épaule "Mais si euuuhh... là quand même, c'est un peu comme dans la BD, non?" Ben non. Mais le problème n'est pas de coller où non à l'oeuvre d'origine, c'est celui de produire un contenu original, de qualité. Et là, on oscille entre le scénar du pauvre tout public, les blagues potaches pas drôles, des références à la BD avec des scènes d'animation assez réussies (bon, par contre, les transitions par planches dessinées ne sont pas d'un très bon goût), les références sexuelles... Ah ben tiens, parlons-en. Autant, je trouve les scènes de harcèlement sexuel entre l'officier frustré et Jet assez bien foutues et angoissantes, symbole d'un réel besoin d'émancipation des femmes prisonnières vis-à-vis de leurs geôliers libidineux. Autant, les scènes avec les kangourous mutants font transpirer à grosses gouttes. D'abord, parce que les costumes sont moches et ridicules, ensuite parce que les scènes d'intérieur tournées dans leur "base" ressemblent à une émission pour gamins (style "la maison de Mickey"), mais surtout parce qu'à côté de cette ambiance "bon enfant", les personnages se comportent comme des obsédés sexuels...tout le temps. D'accord, c'est les années 1990, d'accord, il y a de nombreuses références à la sexualité des personnages dans la bande dessinée. Mais là, ça sort de nul part, ça jure complètement avec le déroulement de l'intrigue et avec la "tentative d'ambiance".
En parlant d'ambiance, on avait pas encore trop évoqué le versant visuel du film. Et il y avait une bonne raison à cela.
Le budget était clairement minable. Les scènes d'action avec le tank et l'avion sont mal incrustées sur des fonds verts visibles, tournées avec une mollesse sans nom... L'explosivité graphique de la BD laisse place à un ennui poli et à un mauvais goût plus ou moins assumé.
Mais bordel, pourquoi ne pas avoir confié le projet à un Edgar Wright, un Robert Rodriguez, un Matthew Vaughn.. Des réals avec une véritable science de l'action et de la démesure ! Là, on assiste tristement à la mort progressive du fun et de l'inventivité de la mise en scène.
Bref, "Tank Girl" est un très mauvais film, pas dénué de charme (d'où mon 4/10), et qui a du être très fun à tourner, moins à regarder.
Reste une bande son bien sympathique (j'ai découvert DEVO grâce à ce film, et rien que pour ça, je l'en remercie) !