Le cercle des hypocrites disparus

J'ai vu ce film il y a bien 12 ans ; à cette époque, j'étais en train de redéfinir ma définition du vrai cinéma et pensais alors naïvement que les blockbusters étaient forcément des fruits pourris et que seuls les projets indépendants de ce type valaient le coup d'être vus. Si j'apprécie toujours beaucoup ce film, ma vision a changé.

Le minimalisme narratif rappelle celui d'une pièce de théâtre. Je lis que c'est effectivement une adaptation. C'est agréable de découvrir une histoire si simple. L'on devrait adapter un peu plus souvent des pièces de théâtres, car le huis clos est un genre trop peu exploité. La première moitié est très finement écrite. La manière dont les personnages se parlent, le naturel, l'alchimie, le côté vieux copains qui se retrouvent, tout cela fonctionne très bien. De même que la manière dont l'un parvient à faire parler l'autre. Évidemment les auteurs ont dû aller au plus court, mais il parviennent à laisser l'impression que tout se déroule naturellement, tout s'enchaîne très bien. Par après c'est un peu moins efficace. Des dialogues un peu répétitifs, les personnages qui perdent un peu de leur substance (à un moment on se demande quand même pourquoi Jon ne part pas tout simplement) ; le personnage féminin est sympathique mais est mal exploitée ; il faut dire qu'elle arrive justement à la moitié du film et que les auteurs, à ce stade, veulent secouer leurs spectateurs. Comment ? En leur en foutant plein la vue. Ou plutôt plein les oreilles. Les révélations sont de plus en plus grosses, ou plutôt les réactions des personnages, on sent que les répliques sont pensées pour être spectaculaires, sauf que ce n'est pas toujours très bien dosé. Un peu comme si arrivé à la moitié d'un film, Michael Bay se contentait de tout faire péter. Bon c'est un mauvais exemple parce que Bay fait tout péter après 5 minutes... mais bon on se comprend. Cela manque de construction, de finesse, de retenue (la retenue est parfois le meilleur moyen d'en foutre plein les yeux, un peu comme dans "Interstellar"). M'enfin, malgré ces défauts, ça se suit bien et puis les thèmes ne sont pas trahis.

Pour ce qui est de la mise en scène, Linklater fait le choix de filmer ça avec des caméras DV pas trop chères. Choix intéressant. Cela fonctionne. Le réalisateur joue de sa petite caméra légère, n'en fait pas des tonnes non plus. Certains plans restent gratuits, certaines scènes surdécoupées, mais ce style nerveux renforce l'inquiétude des personnages. Les angles de vue sont intéressants, même si souvent gratuits. Linklater fait tout pour dynamiser sa mise en scène, peut-être par peur que le spectateur s'ennuie. Pourtant le texte est bon et les acteurs le délivrent avec un naturel qui fait plaisir. Les trois justifient leur présence haut la main. Quoique que Ethan m'a laissé sceptique sur ces premières minutes de silence où il en fait un peu trop. Mais une fois la conversation lancée, il trouve plus facilement ses marques.

Bref, un petit film franchement sympathique : une histoire qui tire un peu trop vers le spectaculaire à la fin, mais un casting solide et une mise en scène dynamique qui empêchent le spectateur de quitter l'écran des yeux.