Albert Serra veut nous épuiser, à l’image des taureaux torturés dans son film, en enchaînant mises à mort et grimaces du Rei. La répétition hypnotique de ces danses macabres entre les animaux et leurs bourreaux ne laisse aucun doute sur le message : la corrida et ses valeurs archaïques s’éteignent peu à peu dans la solitude.
Mais pourquoi cette vision L214 de luxe ?
Car tout fait cinéma dans cette farce. L’extrême vanité de son « héros », qui refuse de perdre la face. Ses sbires mascu pourtant émus aux larmes dans leurs costumes et leurs rites homoérotiques. Le public, écarté de l’image mais pas du son. Et ces animaux, seuls dans le cadre, apeurés, les seuls à ignorer qu’ils vont mourir.
Mais le plus grand tour de force du film, c’est que malgré l’abjection éprouvée durant ces deux heures et la compassion absolue que l’on réserve à la bête, dans ce dispositif immersif, on finit par craindre pour le matador.
Une belle après midi de solitude pour ma part.