Des gorilles et des hommes

Ayant perdu ses parents morts dans la jungle, un bébé est recueilli par un clan de gorilles qui vont l’élever comme un des leurs. Devenu Tarzan, il vit dans la jungle comme dans son milieu naturel, mais voilà que l’arrivée d’un groupe d’humains, parmi lesquels une ravissante exploratrice, Jane, va remettre en question son origine, et le bien-fondé de sa présence au milieu des gorilles…

Suite aux réussites que furent Le Roi Lion, Le Bossu de Notre-Dame et Mulan, les studios Disney continuent dans une veine marquée par un classicisme bienvenu, qui n’est pas sans rappeler les films de l’époque où le génie américain de l’animation était toujours en vie.
Avec Tarzan, en effet, on retrouve ce mélange d’émotion, de rire et d’aventures qui caractérise les plus grandes réussites du studio. Si l’humour est parfois légèrement inégal, il fait souvent mouche grâce à des dialogues astucieux, des personnages savamment croqués dont aucun ne s'accapare le monopole total de l’humour, et un rythme extrêmement soutenu qui permet de ne jamais faire émerger un quelconque ennui.
Il faut dire que Tarzan s’avère d’une éblouissante beauté visuelle, et même si les tares graphiques qui commencent à apparaître dans les films de cette époque et s’épanouiront durant les années 2000 sont un peu présentes, notamment au travers du corps étrangement disproportionné de Tarzan lui-même, on est sans doute ici face au Disney des années 90 qui renoue le mieux avec le classicisme et l’harmonie des graphismes de l’ère du grand Walt. Mais si l’animation des personnages est très belle (sans compter une synthèse encore parfaitement utilisée et valorisée ici), ce qui frappe le plus l’œil est la magnificence des décors de Doug Ball, ceux-ci, transcendés par une direction artistique ahurissant de Daniel St. Pierre, qui immerge totalement dans l’ambiance de la jungle africaine et nous offre des plans qui s'impriment sur la rétine pour longtemps.
Parfaitement accompagné des chansons de Phil Collins et Mark Mancina aux sonorités africaines réussies, on pourra néanmoins regretter que Tarzan ne parvienne pas à atteindre le génie d’Alan Menken, la plupart des séquences chantées peinant à rester en mémoire. Mais cela n’empêche aucunement de goûter une poésie souvent très fine distillée dans quelques très belles scènes (la découverte du bébé par un gorille, la rencontre entre Tarzan et Jane, l’apprentissage du sauvage…).
En revanche, outre des personnages un peu caricaturaux, la fin s’avère d’autant plus décevante qu’elle cède à la facilité, là où le reste du film entretenait une ambiguïté intelligente en exploitant à merveille la dualité entre les deux mondes auxquels appartient Tarzan et ses dilemmes,

Hormis cet aspect qui reste prévisible et ne bouleverse par radicalement le film, et même s'il souffre un peu de la comparaison avec son aîné Le Livre de la jungle, plus réussi sur tous les points, Tarzan permet tout de même de perpétuer un Troisième Âge d'or de grande qualité de la part des studios Disney, qui montrent encore une fois leur talent à adapter de grands classiques littéraires pour en faire à leur tour de grands classiques d’animation accessibles à un plus large public.