/!\ SPOILER /!\

L'intérêt de Taxi Driver repose avant tout dans la personnalité du personnage principal ; un personnage complexe comportant de multiples facettes. Travis Bickle, remarquablement interprété par Robert De Niro, est un vétéran de la Guerre du Vietnam devenu chauffeur de taxi. Insomniaque, il sillonne de nuit les rues infectes d'un New York des bas fonds infesté par toute la racaille de la ville à bord de son taxi, catalyseur de l'isolement et de la solitude du personnage. Car c'est cette première image qui frappe tout d'abord le spectateur à propos de Travis ; l'image d'un homme terriblement seul et socialement inapte, qui tente en vain de s'intégrer.

Cet échec va le pousser à se forger une sorte de carapace, et à vouloir devenir un « dur » : il souhaite se démarquer afin de sortir de l'anonymat qui l'habite et qui l'isole. Il veut être autre chose que le simple chauffeur de taxi, presque invisible aux yeux de ces clients. Il veut être quelqu'un, et ce peut importe si on l'admire où si on le craint. Ainsi, il va tout d'abord se démarquer physiquement en suivant un entrainement physique intensif, en adoptant le crâne rasé et la crête iroquoise, tout en cultivant une fascination malsaine pour les armes à feu. Il va également vouloir se démarquer par ces actions, en voulant nettoyer les rues des ces criminels et de ces parasites qui le dégoutent tant, ou bien en essayant d'assassiner un des candidats les plus influents des présidentielles américaines.

Peu importe les actions qu'il va mener, il veut sortir de cette solitude, et cette tentative va se traduire chez lui par une violence extrême. Travis est une véritable bombe à retardement, prête à exploser d'un moment à l'autre. Le personnage va petit à petit s'enfoncer dans la schizophrénie, s'inventant une vie où il travaillerait pour le gouvernement et où il aurait réussi à séduire la fille qu'il convoitait au début du film, qui représente l'ensemble de ses frustrations vis-à-vis de son inaptitude à communiquer et à s'intégrer. Toute cette violence et cette frustration sera libérée dans une scène finale cauchemardesque, à travers un véritable bain de sang où Travis va impitoyablement massacrer des criminels. Blessé par balle et se vidant de son sang, il s'effondre alors, mimant son suicide.

Le spectateur est alors partagé entre de nombreux sentiments contradictoires, puisque même si il comprend la frustration générée par les naïves maladresses du personnage afin s'intégrer et qu'il partage avec Travis la profonde haine qu'il ressent en voyant toute la corruption des rues de New York, il ne peut cautionner ce déferlement de violence et d'horreur. Puis le doute s'installe. Comprenons-nous dans une certaine mesure le personnage parce qu'il a une part d'humanité en lui, où parce que nous sommes nous même un peu psychopathe sur les bords ?

La plus grande force du film, c'est que tout est implicite, et Scorsese invite le spectateur à avoir une véritable réflexion sur les motivations de Travis. Ainsi, le film peut avoir de nombreuses interprétations différentes en fonction des spectateurs, et c'est précisément pour cette raison que le film est génial. Peut être verrez-vous (ou avez-vous vu) complètement autre chose à travers ce chauffeur de taxi névrosé. Et la fin peut être interprétée de plein de manières différentes, à l'image du film. La scène finale nous montre Travis quelque temps plus tard. Il a survécu à sa folie meurtrière, est désormais reconnu par tous comme étant un héros, ayant fait ce qu'il fallait faire pour nettoyer la ville.
Pour certains, cette fin symbolise l'échec de la rédemption de Travis, qui est resté le même malgré l'extériorisation de la haine qui le dévorait et la reconnaissance qu'il a finalement réussi à obtenir. Pour d'autres, il s'agit tout simplement de l'ultime fantasme d'un Travis agonisant. En tout cas, cette fin n'a laissé personne indifférent, qu'on l'aime où qu'on la déteste : Scorsese est véritablement sorti des sentiers battus en proposant une fin inattendue.
Brandonator
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le 16 avr. 2012

Modifiée

le 7 sept. 2012

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