Taxi Driver par MaximeMichaut
Virée fantomatique dans un New York poisseux, Taxi Driver est le symbole surpuissant d'un Nouvel Hollywood ambitieux et enragé. Sous le spectre dominant de la tragique guerre du Vietnam, fissure de l'égo américain terrifiante de par son absence dans l'image et le verbe, le film livre la vertigineuse déconstruction d'un esprit indomptable, perdu dans un labyrinthe de veines piétonnes et de nerfs malades. Le contraste violent entre l'enfermement subjectif et l'immensité métropolitaine suinte sur l'ode à la disjonction formelle ici entamée, chère à Scorsese, pièce maîtresse de cinéma à la première personne dans un jeu au grain insistant, aux couleurs brûlantes. Travis Bickle, témoin tourmenté puis acteur homérique d'une violence inhérente, se voit incarné par un Robert De Niro magistral, interprétation vouée au culte des arcanes de l'âme, progressivement aliénée par une société rongée, ses leaders diabolisés, ses émotions désacralisées, ses armes fétichisées. Pessimiste anarchie menant à une explosion finale qui reste encore dans les mémoires, l'œuvre reflète alors une lueur d'espoir affreusement dérangeante, la violence et la métamorphose laissant place à la reconnaissance et la salvation dans de troublantes dernières minutes. Bouche d'égout délivrant la danse macabre d'une émanation puérile mais magnétique, Taxi Driver est un chef d'œuvre de subversion, fruit paranoïaque d'un bouillon de colère et de frustration, l'Amérique lâchant son monstre de Frankenstein dans le symbole abyssal de son enfer.