J'ai vu Taxi Driver plusieurs fois à différentes périodes de ma vie et plus je le vois plus il m'apparait comme un film fascinant et unique, qui mérite amplement sa Palme d'Or.
La force de ce film réside dans la symbiose parfaite entre le scénario subtile de Schrader, le personnage principal incarné magistralement par De Niro, la réalisation brillante de Scorcese, la musique de Bernard Hermann oscillant entre mélopée jazzy et cuivres tendus, et le décor chargé d'un New York nocturne à l'atmosphère sombre et maussade, une harmonie remarquable de chaque élément qui s'imbriquent les uns dans les autres pour former une oeuvre trouble et singulière.
Taxi Driver est un film qui suggère plus qu'il ne démontre, son rythme lent installe progressivement la dérive de Travis Bickle, personnage ambivalent, tiraillé entre ses principes moraux et son désenchantement, et dont la solitude ne fait qu'amplifier le décalage avec le reste de la société.
Aujourd'hui je me délecte de chaque moment du film, de ces dialogues flottants où Travis peine à trouver ses mots pour exprimer son malaise, de ses errances au volant de son taxi dans un New York morose, de son déphasage avec les personnes qu'il cotoie, de ses monologues plaintifs dans sa chambre crasseus, de chaque petite scène qui parait insignifiante mais qui à sa manière devient un chainon vers le dérèglement progressif d'un homme déprimé et aigri. Un homme qui tourne en rond dans sa vie comme dans son taxi, sans savoir où aller, et dont les pensées sont graduellement façonnées par un environnement souillé et menaçant.
Taxi Driver est bel et bien un chef d'oeuvre qui mérite son rang de film culte, une oeuvre magnétique et ambigue, hypnotisante, qui imprime par petites touches un portrait à la fois sordide et envoûtant d'un homme qui n'en peut plus. La synthèse d'une expression cinématographique dont chaque composante est juste, et qui dépeint habilement une part d'humanité universelle et inquiétante. Génial.