Il faut regarder "Taxi Driver" avant tout comme le cauchemar intime de Travis Bickle, dont Scorsese ne nous autorise jamais à quitter le point de vue malade sur un monde qu'il juge corrompu, irrémédiablement souillé : on prend part à son entraînement au meurtre et à ses manipulations fétichistes d'armes à feu, on partage sa vision unilatérale de la ville et de ses maux. Et lorsqu'à la fin, Bickle croit être devenu un héros, et se fond à travers les néons de New York, anonyme comme seul un chauffeur de taxi peut l'être, c'est que dans la ville, la menace peut provenir de n'importe qui. Porté par un De Niro immense de légèreté dans un rôle qui appelait l'excès, "Taxi Driver" est un grand film malaisant, parfois même bressonien dans son refus de toute psychologie. [Critique écrite en 1978]