Juché sur sa bécane volée, Bensoussan (Richard Anconina, excellent) est un jeune qui se croit le roi du monde, arpentant les rues crasseuses de l'est parisien, vivant de petits deals avec les mafieux des environs. Il rencontre Lambert (Coluche, très touchant), un ex-flic devenu pompiste qui boit sans soif, dépressif, ventripotent, végétatif. Bientôt leur relation devient celle d'un père et d'un fils, au fil des confidences de Bensoussan que le mutique Lambert écoute sans broncher.


Puis tout s'emballe : les trafiquants se mettent à traquer Bensoussan, Lambert le protège et tue un des sbires. La spirale est enclenchée, un peu à la manière de Gran Torino de Clint Eastwood qui développe une histoire et des personnages similaires. La tension monte, chaque meurtre scelle un peu plus le destin de Lambert qui dans sa spirale vengeresse va toujours plus loin.


Il y a pourtant deux objecteurs de conscience à l'histoire : le policier (Philippe Léotard) qui n'est pas dupe de l'épopée meurtrière de Lambert mais qui le laisse faire et Lola (Agnès Soral), jeune fille aux allures d'ange noire, blonde et tout de cuir vêtue, style punk, qui malgré ses airs est encore une enfant et tente de le retenir. Elle lui offre jusqu'à l'amour mais Lambert refuse car il est un homme déchu qui se détruit, qui ne s'aime plus, déjà résigné.


Cette innocence de Bensoussan et de Lola tranche avec la violence du milieu dans lequel ils baignent. Ils ont des rêves, des envies évanescentes d'enfants mais toujours sont ils rattrapés par le mort qui guette. On connait la fin, l'épopée sanglante de Lambert ne pourra le conduire qu'à la mort, lui qui répète à l'envie qu'il est déjà mort depuis le tragique décès de son fils.


Coluche est bouleversant de justesse, tout le casting est d'ailleurs excellent, et baigne dans cette ambiance poisseuse, misérable - l'alcool, la drogue, les cafés miteux, les ultimes vestiges d'un Paris révolu, avec une atmosphère musicale sombre et dérangeante.


Le Paris populaire a disparu ; désormais les boutiques bio, les vendeurs de trottinettes, les fabricants de mozzarella AOC pullulent entre les restaurants de bobun et de bagels. On parle désormais de ce quartier comme de Boboland. La crasse des stations essence, l'humidité des troquets interlopes a disparu, autant que les gens qui le peuplaient, rélégués ailleurs ou déjà six pieds sous terre. Tchao Pantin, c'est l'adieu de tout un monde qui avait encore l'honneur et la dignité pour lui, ce monde codifié des bikers et des tripots infâmes. C'est aussi les obsessions des années 80, une noirceur, une ambiance sombre (à la Blade Runner), punk, louche, drogue, sexe, excès en tout genre, et l'envie irrépressible de la liberté.


NB : après la disparition du chanteur Christophe, j'ai beaucoup pensé au lien entre ce film et sa chanson La dolce vita : "Tous les soirs sans fin / Je traînais sur ma Vespa / Dans mon gilet de satin / C'était la dolce vita / Je cherchais l'aventure / Jusqu'au petit matin / Je me prenais pour Ben-hur /En conduisant d'une main"

Tom_Ab
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le 19 mars 2020

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Tom_Ab

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