Ce documentaire, diffusé sur ARTE en 2010, retrace l'histoire des teen-movies, de Rebel without a cause en 1956 à Superbad en 2007, pérégrinant sur la route des films cultes de John Hughes (The Breakfast Club) et de l'apogée du teen-movie, les années 80 : 16 Candles, Porky's, Fast times at Ridgemont High, Risky Business, The Outsiders, entre autres – on a même le droit à des références au petit chef d’œuvre télévisuel qu'est Freaks and Geeks –, tout en faisant un détour vers de œuvres plus intimistes comme Elephant ou Kids.
La question est la suivante : qu'est-ce que le teen-movie ?
Pour certains, un sous-genre étant la cause de films gras et grossiers, aux gags potaches et particulièrement destinés à un public d'ados pré-pubères (je déteste cette expression) où les personnages s'enfilent des tartes aux pommes (American Pie), pour d'autres, toutes les œuvres touchant de près ou de loin à l'adolescence, ou encore, toutes celles qui lui sont destinées, sans forcément qu'elle en soit le sujet central (Harry Potter, Retour vers le futur). Traversé d'extraits de films de toutes ces catégories, ainsi que d'entrevues avec des professionnels (réalisateurs, producteurs, scénaristes) et des gens comme vous et moi, ce documentaire entreprend de montrer que le teen movie par excellence, c'est un peu un mélange de tout ça.
Un film sur les adolescents, pour les adolescents, avec des arguments concrets et une représentation authentique permettant au mieux l'identification de la cible visée, tout en proposant, si possible, une double-lecture qui pourra réveiller les adolescents cachés dans le public adulte.
Le teen-movie, quoi que le terme puisse évoquer, est à mes yeux le genre le plus intéressant du cinéma. C'est certainement mon âge qui fait que je suis plus encline à en être affectée, mais ces films me touchent profondément, mes attentes à ce niveau en étant alors décuplées. L'adolescence, après tout, n'est-elle pas une ressource inépuisable et prolifique du septième art ? Depuis près de soixante ans, la jeunesse fascine, et intrigue encore et toujours, soulevant des questionnements éternelles et des observations insolubles. Comme si, à chaque nouveau film, l'auteur tentait d'en percer le mystère sous un angle différent, et faisant presque de ses personnages des créatures fantasmagoriques, des freaks, des misfits, des être féeriques (Heavenly Creatures) ou des monstres (Martin, Carrie, la grande majorité des slashers ou Buffy).
Peut-être le sujet le plus abordé de l'histoire du cinéma (?) au travers de teen-movies en proposant pourtant presque systématiquement une variation, l'adolescence n'a pas fini d'inspirer, et continuera de le faire tant que l'humanité demeurera. Vos parents étaient des adolescents, vos enfants en deviendront eux aussi, et il y aura toujours quelqu'un pour parler d'eux parce que, finalement, l'adolescence n'est-elle pas l'étape de la vie la plus cruciale ? Celle qui marque au fer rouge et laisse un souvenir impérissable, à la fois douloureux et extatique.
Phase perturbante de l'existence, de mutation physique et psychologique, elle n'a eu cesse de faire naître une quantité innombrable de films (et, plus tard, de séries) qui, malgré une évolution des représentations, ont toujours eu les mêmes enjeux, ou, plutôt, un enjeu majeur que ne renierait pas notre cher John Hughes : qui suis-je ? La quête d'une identité en opposition aux valeurs morales inculquées par les figures d'autorité (les parents de Jim Starke, ou le proviseur de Ferris Bueller), et la recherche de repères nouveaux pour se bâtir une individualité – l'appartenance à une communauté, la recherche de sensations fortes, le refus d'obéir face à des règles imposées –. Le voyage vers l'âge adulte est semé d'embûches, et la manière dont on parvient à en revenir en traçant sa propre route reste l'essence-même de ces contes initiatiques.
Le rebelle, le sportif ou, depuis peu, le geek, recherchent tous la même chose (comme le prouve si bien The Breakfast Club) et font tous face à cette (re)construction : les chemins empruntés ne sont peut-être pas les mêmes, mais la destination si. Pour leurs auteurs, et comme l'a si bien dit l'un des intervenants du documentaire, c'est également l'occasion de jeter un coup d’œil derrière leur épaule pour retrouver cette époque douce-amère, âge d'or, âge de tous les possibles. Au cinéma, la jeunesse est éternelle.
Ce documentaire est donc appréciable pour ses analyses pertinentes de ce type de cinéma et des différents films qu'il propose, autant que pour son retour vers le futur nostalgique et parfois jubilatoire, mais il aurait mérité d'avoir une plus longue durée (seulement 52 minutes) et de proposer un panel encore plus large de films (quelques chef d’œuvres ont été omis) !