TEMPÊTE DE SABLE (13,8) (Elite Zexer, ISR, 2017, 88min) :


Ce drame familial contemporain réaliste conte le destin de la jeune étudiante Layla au sein d’une famille où son père s’apprête à épouser une deuxième femme dans un village traditionnel bédouin au sud d’Israël dans le désert de Néguev. Pour sa première réalisation la jeune Elite Zexer s’empare du sujet des mariages forcés, énoncé de plus en plus souvent avec bonheur au cinéma, ne serait-ce qu’en ce début d’année avec l’excellent Noces de Stephen Streker sortant le 22 février sur nos écrans et Hedi, un vent de liberté de Mohamed Ben Attia. Un propos bien mûri par la réalisatrice depuis plusieurs années, celle-ci accompagnant de nombreuses fois sa mère photographe lors de cérémonies de mariage bédouines. Auréolé du Grand Prix du Festival de Sundance 2016, le long métrage débarque chez nous au côté la déferlante musicale enthousiasmante de La La Land. La musique intérieure d’Elite Zexer se veut ethnographique. Dès la pertinente première scène en quelques plans pose le cadre familial, le lieu géographique et les contradictions de ses personnages. Layla conduit une voiture en regardant ses notes d’examens sur son téléphone portable, mais le père reprend la place de conducteur à l’approche de la maison. En adoptant régulièrement pendant le film le point de vue à hauteur d’adolescente, la réalisatrice dépeint le plus souvent en caméra portée avec une grande sobriété d’effet les pratiques quotidiennes du village. La réalisatrice dépeint avec beaucoup de minutie les us et coutumes locales, notamment lors de la célébration du second mariage de l’époux Suliman. Un homme complexe laissant sa fille conduire et sa femme fumer mais qui se plie à toutes les règles ancestrales jusqu’à répudier sa première épouse. Elite Zexer dérit chaque personnage sans manichéisme en mettant à jour leur différentes contradictions. La réalisatrice dénonce sans esbroufe, mais sans instiller dans son récit de la révolte, peut être l’une des faiblesses de son film. La rébellion est lente aussi bien dans le personnage de la mère vivant l’humiliation de la polygamie et la découverte d’une fréquentation amoureuse de sa fille à l’université que dans le comportement de Layla se pliant finalement de façon contrainte aux mœurs traditionnalistes. La mise en image quasi documentaire offre une description très juste de la situation et des problématiques d’aujourd’hui au sein de ces communautés bédouines. Elle ausculte avec finesse la mécanique du « C’est comme ça, cela a toujours été comme ça, c’est tout.» mais la mise en scène malgré son romanesque manque un peu d’ampleur pour nous emporter dans un tourbillon d’émotions. Ici tout est parfois trop retenu, c’est une révolution de velours, une opposition face aux traditions liberticides enfouie finalement dans le sable, en attendant de futures tempête par le biais des générations de femmes à venir. Magnifiques derniers plans du film où la sœur aînée offre un regard complice à sa sœur cadette intrépide, en lui faisant comprendre cette problématique. La réalisatrice offre une particularité à son film en engageant de vrais acteurs professionnels avec le souci du détail de la langue, tous les acteurs arabes parlent en effet le dialecte bédouin sans accent de leur langue maternelle. Enveloppé par une splendide musique traditionnelle le film trouve une belle authenticité. La prestation très convaincante des trois principaux acteurs : Lammis Amar, opiniâtre et fragile dans le rôle de Layla, Ruba Blal rigide et tiraillée dans le rôle de la mère et Haitham Ibrahem Omari un père à la pensée mouvante ensablée dans les traditions, capte toute notre attention à ce récit. Une intrigue sur la condition des femmes renvoyant aussi à des films comme Wadjda (2012) de Haifaa Al Mansour, Mustang (2015) Deniz Gamze Ergüven et plus récemment La saison des femmes de Leena Yadav entre autres et c’est une bonne chose. On ne peut que saluer favorablement ce cinéma reflet de ce désir d’émancipation féminin. Le combat sera long mais certaines pierres cinématographiques précieuses lancées avec force contre ces murs invisibles peuvent aider à la chute de certaines mentalités séculaires, encore trop bien ancrées. Venez découvrir les conditions féminines au milieu du désert en donnant toute votre attention à cette Tempête de sable. Touchant, juste et universel.

seb2046
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le 25 janv. 2017

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