En 1997 Jess Franco n'est clairement plus au sommet de son art si singulier lorsqu'il réalise Tender Flesh. Cette petite coproduction entre l'Espagne et les USA est une sorte de relecture de son film culte La Comtesse Noire (1973) qui lui même était déjà très inspiré par Les Chasses du Comte Zaroff. Pour l'anecdote il semblerait que ce soit le tout dernier film tourné sur pellicule par Jess Franco avant de se tourner pour dix ans vers le support vidéo.
Tender Flesh nous raconte l'histoire d'une jeune fille naïve et peu pudique qui se fait embaucher dans une sorte de cabaret aux numéros de danses érotiques. C'est ici qu'elle est repérée par un richissime couple qui décide de l'inviter elle et son petit ami sur une île paradisiaque (plus exactement de l'acheter à son insu). Une fois sur place la jeune fille va découvrir le goût très prononcé de ses hôtes pour la chair fraîche et devenir l'objet d'un jeu cruel de survie.
Globalement Tender Flesh est un film assez médiocre et même plutôt chiant, mais comme souvent chez Jess Franco le film comporte aussi quelques idées folles, deux trois expérimentations bizarres et un univers singulier entre érotisme, comédie et épouvante. Dans le cas présent c'est clairement l'érotisme qui prend le dessus avec une pointe d'humour déconcertant avec une certaine dose de provocation pince sans rire. Si c'est l'aspect épouvante et fantastique qui vous intéresse il est clairement inutile de perdre votre temps car la fameuse chasse à l'homme n'occupe que les vingts dernières minutes du film. Le reste du temps consiste à explorer les mœurs tordus et bacchanales sexuelles de ce couple et de leurs proches entre jeux sadomasochistes, plaisirs saphiques et orgies, le tout avec une certaine ironie puisqu'il faut battre et pétrir la viande pour l'attendrir. L’érotisme est donc omniprésent mais souvent assez ennuyeux, peu sensuel et bien trop répétitif. Parmi les jolis corps exposés on retrouve l'incontournable Lina Romay la muse de toujours de Jess Franco, la comédienne Monique Parent (Des centaines de Bis érotiques) et la jeune Amber Newman elle aussi grande habituée aux rayons DTV érotiques et qui est assez amusante dans son rôle d'ingénue un peu cruche. La séquence de casting qui montre Paula (Amber Newman) danser comme une godiche en tentant de lancer des regards amoureux à un public imaginaire vaut son pesant de pop-corn. Mais mon personnage féminin préférée reste Furia interprétée par Analia Ivars, une sorte de gouvernante et femme à tout faire aux services de ses maîtres, muette par choix mais qui n'a pas sa langue dans sa poche puisqu'elle passe la majeure partie du film à faire des trucs avec, comme se lécher les lèvres la bouche entre ouverte pour ce qui finit par ressembler à la longue à un runing gag. Pas farouche et sauvage la jeune femme vous souhaite la bienvenu en vous roulant des grosses galoches, vous léchant le visage et vous tâtant l'entre jambe sans discrimination que vous soyez un home ou une femme. Et pour vos soirées entre amis, la jeune femme fait la marinade en urinant sur la viande, joue de la guitare pour l'ambiance et passe sous la table pour détendre les convives, un vrai couteau suisse de la convivialité cette fille.
On a clairement connu Jess Franco plus inspiré pour filmer avec amour et sensualité ses actrices dénudées. Ici l'exposition de la nudité semble assez gratuite et systématique même si le film comporte un sous texte symboliquement assez féministe. Que ce soit lorsque cette jeune danseuse de cabaret arrache sur scène deux sexes géants de statuts ou quand elle perce nerveusement un ballon gonflé et sculpté comme une bite on sent qu'il ne faut pas trop embêter la donzelle sur le registre. Un des rares personnages masculin interprété par Aldo Sambrell ira même jusqu'à faire remarquer à Lina Romay en amazone avec arc et flèches que sur cette île ce sont vraiment les femmes qui décident de tout. Le film est aussi traversé par un humour étrange qui trouvera son apogée dans cette curieuse chasse à l'homme (enfin à la femme) avec des pièges comiques et surtout un bruitage totalement inattendu de sitcom avec rires et applaudissements tandis que la malheureuse tente d'échapper à la mort. N’extrapolons pas trop les intentions du réalisateur mais la scène donne la sensation de dénoncer déjà une forme de télé réalité avec des éliminations de candidats aussi dangereuse qu'abrutissante.
Même si Tender Flesh est un Jess Franco mineur il possède tout de même des pistes de réflexions, des occasions de se marrer, des nichons et ce sentiment d'un cinéaste capable d’insuffler toujours un peu de folie et d'expérimentation dans son cinéma.