Variation sur des thématiques bien connues des amateurs d’Argento, Ténèbres imagine une enquête mettant des personnages aux prises avec un tueur s’inspirant d’un best-seller, et dont l’auteur va devenir l’une des victimes de choix.


Le principe de morceaux de bravoure reliés par une sauce relativement convenue reste inchangé. L’intrigue, assez balisée, ne brille pas par son originalité, et le réalisateur semble sacrifier à des procédés un peu plus poussifs que dans ses deux chefs d’œuvre Suspiria et Les Frissons de l’angoisse. De jolies lesbiennes dénudées, des femmes toujours dépourvues de soutien-gorge composent une galerie de victime que ne renierait pas le DTV des années 80, même si une journaliste prend soin de faire dans le méta en fustigeant ce genre de recours dans les romans du personnage principal.


L’intrigue elle-même ne s’embarrasse pas d’exigence en termes de cohérence : une des jeunes filles dont on pouvait jusqu’alors questionner la présence s’engueule ainsi opportunément avec son petit ami, qui la plante en pleine rue, avant qu’elle ne se fasse prendre en chasse par un chien qui, hasard, quand tu nous tiens, la mène à se réfugier dans la maison du tueur…


En dépit de ces baisses de régime et de quelques autocitations paresseuses (les chuchotements du meurtrier avant de passer à l’acte, par exemple), Dario Argento reste bien aux commandes, en témoigne l’attention portée à l’architecture, notamment dans la maison moderniste fascinante où se concentreront les scènes les plus fortes, et l’appartement du couple lesbien qui permet une séquence de haute volée. Accompagné d’une musique (qui se révélera in) tonitruante, la caméra capture par les ouvertures vitrées le conflit entre les deux occupantes et monte toute la façade en un plan séquence virtuose, avant de redescendre le long de l’escalier. Lenteur, attention portée aux matières (les poutrelles de béton, le toit, les surfaces minérales de l’escalier, les vitres bientôt transformées en arme tranchante, un grand classique chez Argento), toute la partition du maitre est convoquée pour son rituel sanglant et sensitif. La question du point de vue, toujours cruciale dans une scène de meurtre, détermine toute l’ambivalente réussite de cette séquence : le tueur, comme souvent chez le cinéaste, n’est finalement qu’un relai à l’action, une silhouette subreptice au service de l’œil sadique, dont la caméra est une véritable prédatrice.


(6.5/10)

Sergent_Pepper
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le 6 mai 2021

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