¿ Si senior ?
Les gardiens du temple vous diront sans doute, depuis Le Jugement Dernier, que la saga Terminator, c'est plus trop ça. Ou le jugent comme tel, du moins, en forme d'affirmation péremptoire. Alors même...
le 26 oct. 2019
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L'ennui avec la franchise Terminator c'est que ses propriétaires successifs refusent de la laisser mourir. En 1991, la conclusion de Terminator 2 Le Jugement dernier n'appelait pas vraiment de continuité, les héros avaient détruit les prémisses de Skynet, le futur apocalyptique n'arriverait jamais. Mais le carton du film ne pouvait décidément pas rester sans suite et il fallut attendre une bonne décennie pour que Schwarzenegger, soucieux de redonner un coup de boost à sa carrière, accepte la proposition de Mario Kassar et Andrew Vajna de participer à un 3ème opus. Vrai remake de T2 (qui était déjà lui-même un remake du premier film), Terminator 3 Rise of the machines contredisait finalement le propos du film de Cameron pour y opposer un déterminisme dépressif, parfait prétexte au soulèvement des machines tant redouté. A partir de là, la franchise aurait pu enfin s'affranchir du modèle du diptyque de Cameron pour explorer des perspectives narratives inédites, la guerre future contre les machines. Soit tout ce que les jeunes trentenaires de l'époque et fans de la franchise avaient toujours voulu voir sur grand écran depuis les quelques séquences futuristes et apocalyptiques entrevues dans les deux films de Cameron. Las, les producteurs de Terminator Salvation (Vajna et Kassar ont alors perdu les droits en faveur de la Halcyon) ont eu la grande idée de confier la réalisation du quatrième opus à Joseph (McG)inty Nichol, un tâcheron à la Brett Ratner, bon faiseur d'images certes, mais dénué de toute vision créative. Non dépourvu de qualités, son Terminator Renaissance n'était qu'une nouvelle course-poursuite empruntant à Mad Max 2 son décor post-apocalyptique et ressassant sans cesse les références à T2. Le spectacle promettait toutefois une trilogie alléchante, centrée sur la lutte de John Connor et de ses armées contre Skynet et ses légions de machines à tuer.
Sauf que la suite, on ne la vit jamais. La faute à la faillite de la Halcyon Company et au passage des droits de la franchise Terminator à la société Annapurna Pictures. Une compagnie ayant acquis la franchise Terminator aux enchères et dont les financiers se retrouvèrent face à un problème. Il était impossible pour eux de reprendre la saga là où elle en était et de donner une suite à Renaissance, vu que filmer une guerre post-apocalyptique équivaut à aligner les millions de budget et que de toute évidence, le public ne s'était pas déplacé en masse pour aller voir le film de McG (la faute à Transformers, sorti en même temps mais bien plus débile : un carton au box-office).
Du coup, changement total de ligne narrative et arrivée de deux nouveaux scénaristes, Patrick Lussier et Laeta Kalogridis (à l'oeuvre sur Avatar et Alita).
Se croyant terriblement inventifs, ce duo d'abrutis eurent l'idée de génie de semi-rebooter la franchise en proposant une trame temporelle alternative au tout premier Terminator. Les financiers approuvèrent l'idée parce que :
1- ça permettait de jouer sur la fibre nostalgique des vieux geeks trentenaires
2- ça ouvrait la franchise à un nouveau public, plus jeune, à condition d'engager une star représentative de cette génération (d'où la présence d'Emilia Clarke)
3- ça permettait de faire revenir Schwarzy pour qu'il se fasse un peu de fric et contente les puristes par sa seule présence au casting
4- ça coûtait quand même moins cher qu'une guerre post-apocalyptique.
Démarrant sur d'étonnantes idées, Terminator Genisys ne mettait que quelques minutes à révéler le pot aux roses : le film n'était à nouveau qu'un remake déguisé de ceux de Cameron, et ses quelques nouvelles idées (John Connor en méchant, Skynet personnifié) n'étaient en fait que la preuve de la débâcle scénaristique de la franchise. Récompensé par un énorme bide (bien mérité celui-ci) au box-office, Terminator Genisys laissa la franchise Terminator plus bas qu'elle n'avait jamais été, dénuée de toute cohérence narrative et sans véritable conclusion (conçue comme le premier opus d'une trilogie, Genisys n'eut fort heureusement jamais de suite).
Que restait-il encore aux fans de la première heure pour espérer un juste retour de la franchise à l'écran ? Le retour de James Cameron aux affaires bien sûr.
Occupé à exhumer les restes d'un juif de 2000 ans qu'il prit à tort pour le Christ, et déterminé à se faire une place dans le guiness book des records (son exploration historique de la fosse des Mariannes, où il est descendu plus loin encore que le lieutenant Coffey d'Abyss), Cameron a passé les deux dernières décennies à monter et subventionner divers projets à visée scientifique. A côté de ça, il a pillé méthodiquement l'univers de Cailleteau et Vatine (Aquablue) et développé une nouvelle technologie stéréoscopique pour Avatar. Plus focalisé sur le défi technologique que réellement créatif, Cameron a ensuite perdu 10 ans de plus pour trouver le financement de pas moins de quatre suites à son odyssée pandorienne.
Aussi intègre qu'un avocat de la défense, il accepta de dire que Terminator Genisys était une réussite (à la demande d'Arnold et contre un petit chèque) pour finalement retourner sa veste après le bide du film de Taylor et dire tout le mal qu'il en pensait.
Ayant enfin pu racheter les droits de Terminator, après quinze années à courir après, Cameron annonça finalement la mise en chantier d'un 6ème opus et en délégua la réalisation à son nouveau grand pote Tim Miller, dont il avait appuyé la réalisation de Deadpool.
Entretemps, Alita Battle Angel est sorti et a révélé toutes les lacunes d'un Cameron scénariste et producteur : adapté d'un monument de la bd de SF (Gunnm de Yukito Kishiro), le film n'était en fait qu'une love story futuriste pour teenagers, dénué de violence et de tout ce qui faisait le propos du manga.
A partir de là, il y avait de quoi redouter ce sixième Terminator dont la trame, écrite par Cameron, ignorait bien entendu le marasme narratif des trois derniers films pour faire directement suite à Terminator 2. Ce qui aurait pu contenter là aussi bon nombre de fans mais n'était encore qu'une façon déguisée de justifier une nouvelle tentative de faire du fric avec un film qui n'a pas lieu d'être.
Et la conception même du film trahit la logique bêtement opportuniste de ses financiers : Schwarzenegger revient encore dans son rôle de T-800, c'était à peine crédible dans Genisys, ça ne l'est plus du tout dans Dark Fate. Pour justifier le retour de la star, Cameron emprunte à Genisys une de ses nombreuses idées passe-partout : faire des T-800 des androïdes à l'aspect vieillissants, leurs tissus cellulaires humains se dégradant logiquement avec le temps. De quoi assurer un retour de Schwarzy dans son rôle fétiche pendant encore quelques années, peu importe. L'idée est ici à nouveau de faire évoluer le T-800 à la lisière des sentiments humains en proposant un terminator libéré de sa mission meurtrière et donc en pleine possession de son libre-arbitre, obligé d'évoluer au milieu d'une humanité qui, avec le temps, influence son attitude et sa conscience de lui-même. Un propos intéressant, hélas gâché par une dérision systématique qui désamorce toute la crédibilité de ce parti-pris.
La présence de Schwarzy est donc toujours un plus mais ne suffisait pas à garantir le succès du film aux yeux des producteurs. Dans leur triste logique financière, Schwarzenegger n'a pas évité à Genisys de se vautrer en salles, il faut donc trouver un autre argument promotionnel pour séduire les puristes. Quels sont les éléments des précédents films qui ont pu participer au succès de certains tout en contribuant à l'échec des autres ?
Réponse : la présence et l'absence de Sarah Connor.
Mentionnée comme morte au détour d'un dialogue de T3, l'héroïne iconique brillait par son absence dans tous les films qui ont vu décliner la franchise. Le grand prétexte de ce Dark Fate fut ainsi de faire revenir au premier plan l'actrice Linda Hamilton dans le rôle qui l'a rendue célèbre. Toute la promotion du film s'est d'ailleurs articulée autour de ce retour jusqu'à minimiser la présence de sa star historique Schwarzenegger. Comme si une telle magouille allait suffire à appâter le chaland...
On peut dire qu'il était difficile de faire pire que Genisys au sein de la franchise. Dark Fate réussit quand même cet exploit. Là où le film de Taylor révélait tout de même une exposition intéressante et une (courte) séquence futuriste digne des premiers opus de Cameron, celui de Tim Miller n'arrive jamais à transcender le vague prétexte d'une énième redite inutile. Calqué sur la structure narrative des trois premiers opus, Dark Fate n'est rien d'autre qu'un nouveau remake censé rameuter les fans nostalgiques en les prenant pour des cons. Une bête course poursuite reprenant strictement les codes archi-rabâchés de la saga.
Les amateurs s'en souviendront. "Plus les choses changent et plus elles restent les mêmes" disait ironiquement Snake Plissken dans Escape from L.A., qui n'était lui aussi qu'un remake modernisé de Escape from New York. Une réplique révélatrice qui illustre à merveille la bêtise commerciale de ce Dark Fate. On retrouve ici les mêmes sempiternels ingrédients : l'arrivée de deux représentants du futur, une héroïne traquée et secourue, le sacrifice de tous ses proches par un robot qui prend leur aspect, la traditionnelle course-poursuite en camion qui se conclut par l'intervention salvatrice du T-800 (bon en fait, ici c'est Sarah Connor qui se la raconte), l'incontournable "I'll be back-signature" non plus prononcé par le T-800 mais par Sarah (quelle originalité), l'évasion de prison, la retraite chez un allié (ici le T-800 en mode Valérie Damidot), l'offensive et la quête d'un macguffin salvateur (la puce dans T2, les bombes magnétiques dans Dark Fate), la dernière course-poursuite (souvent en hélico), le combat final dans une usine-fonderie-centrale nucléaire et le sacrifice incontournable de ce bon vieux T-800. Le tout arrosé d'une vague dénonciation du contexte politique nauséabond de l'Amérique actuelle et de sa politique anti-migrants mexicains, comme pour justifier l'intérêt intellectuel de cette succession de passages obligés.
Dénué de toute originalité, le script prétend en fait faire du neuf en mettant vaguement à jour sa mythologie. Terminé John Connor, ici il s'agit d'une nouvelle élue représentant l'espoir de l'humanité face à une IA agressive qui ne s'appelle plus Skynet mais Légion. Elle sera défendue par une guerrière longiligne et augmentée, mi-Kyle Reese mi-Marcus Wright. Non seulement ces quelques modifications ne changent rien au problème de fond (à savoir que la mécanique narrative est toujours la même), mais elles verrouillent une mythologie qui aurait encore pu donner lieu à des histoires bien plus intéressantes.
Mais si ce n'était que ça...
Le scénario de David Goyer, Justin Rhodes, Billy Ray et James Cameron souffre aussi d'un nombre incalculable de facilités (Sarah Connor est censée avoir tué à elle-seule plusieurs terminators...) et surtout d'un sérieux manque de rythme dans sa narration. Alors que le film débute par de l'action pure, toute la partie centrale de l'intrigue ne se résume qu'à des dialogues creux entre les protagonistes et des répliques paresseuses lancées entre deux moments d'émotions. On en vient presque à vouloir tuer nous-même la petite Dani quand elle répète pour la 46ème fois "I'm sorry" (le T-800 lui confie qu'il ne sait pas s'il aime vraiment sa famille d'adoption, elle lui répond simplement "I'm sorry". Sarah lui parle de la perte de son fils, Dani se contente d'un "I'm sorry".). Qui plus est, Natalia Reyes n'est absolument pas crédible en future leader de l'humanité, censée fédérer toutes les factions humaines survivantes simplement par son éloquence et non pas par ses compétences militaires.
On pourra prétexter l'intérêt féministe d'un script qui remplace tous ses archétypes guerriers masculins par des personnages féminins. Une décision cohérente qui répond parfaitement aux nombreuses héroïnes bad-ass peuplant la filmo de Cameron. Mais le gonze s'étant plusieurs fois grillé dans l'art ancestral de la langue de bois, il y a fort à parier que cette caractérisation relève plus du coup marketing que d'une véritable volonté progressiste. Reste la révélation Mackenzie Davis, une jeune actrice de talent qui mérite certainement plus qu'un Dark Fate pour révéler pleinement son talent. Etrange en revanche le choix du grand méchant Terminator, bien masculin celui-là, et incarné par Gabriel Luna, un acteur sans le moindre charisme et qui peine à exprimer la dangerosité d'un personnage calqué encore une fois sur le T-1000 de Robert Patrick (irremplaçable).
Un rien fatigué, Schwarzy s'amuse à tourner en dérision son personnage (T-shirt et bermuda, aucun "Je reviendrai", refus du port des lunettes noires et quelques répliques humoristiques) comme il le faisait déjà dans T3. De son côté, Linda Hamilton semble s'investir corps et âme dans son rôle de mamie bad-ass, trop contente de retrouver du taf via son rôle-fétiche.
Coté réalisation, Tim Miller se prend visiblement pour un cador du cinéma-spectacle. Il use et abuse de ralentis systématiques, de plans d'impacts et de mouvements de caméras frénétiques pour booster ses scènes d'action et faire du Marvel-like. Conscient qu'il n'a été embauché que pour réitérer ses exploits sur Deadpool, le réalisateur emballe chaque combat, chaque course-poursuite comme un tâcheron informatique met en forme la cinématique d'un jeu vidéo, bien cadré certes mais sans la moindre inspiration, usant des mêmes effets de style propres aux Marvel movies pour figurer l'affrontement de ces terminators qu'il filme non plus comme des machines de mort mais comme des super-héros. Ce qui n'a rien d'illogique en soit vu que Terminator 2 lui-même préfigurait à l'époque les futurs Matrix et autres marvelleries. Le problème étant juste que les quelques efforts de Miller pour dynamiser l'action se voient systématiquement réduits à néant par un montage au hachoir et des effets numériques d'ores-et-déjà périmés.
Quant on sait que Miller n'a pas perdu de temps pour reprocher à Cameron d'avoir interféré dans son travail jusqu'à le virer de la salle de montage, on se dit qu'il ne fait vraiment pas bon être un "ami" du roi du monde. L'un et l'autre n'ont d'ailleurs cessé de se renvoyer la balle depuis la sortie du film pour expliquer son échec artistique et financier. Dans un contexte aussi hypocrite, Terminator Dark Fate semble être la preuve définitive que la franchise ne peut même pas être sauvée par son créateur, bien au contraire. Mieux vaut donc arrêter la casse et revenir au diptyque initial en s'imaginant qu'il n'a jamais eu de suites. A moins de s'attarder sur les mérites de la série Les Chroniques de Sarah Connor, autrement plus intelligente et inventive que ce dernier navet cinématographique, parfait exemple de la gangrène hollywoodienne actuelle.
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le 17 janv. 2020
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