Dès l’annonce du projet, le museau des gardiens du bon goût s’est affolé, les papilles gustatives en émoi, ils flairaient l’arrivée d’une montagne de bidoche à sacrifier généreusement sur l’autel de la rancœur.


Faire un nouveau Terminator était providence pour le public critique toujours affectueux des lourds blockbusters estivaux dans ce qu’ils leur procurent comme défoule aigre. Fans dévoués ou non des deux premiers opus peu importe, cet énième recyclage s’était enferré dans la geôle “insulte au cinéma” dès la confirmation de sa gestation, se creusant une place de choix aux côtés des blondes au cerveau développé à 100%, des mechas polymorphes et autres résurrections fastidieuses de sauriens divers. L’objectivité était à son comble.


Moi j’y suis allé parce qu’il y avait Arnold dedans. L’objectivité à son comble disais-je.


J’ai pas grandi avec des monceaux de comics. Les feuillets Marvel ou DC et leurs univers entrelacés ne me parlent pas des masses, à quelques exceptions près. Tout ce qui fait la plus haute cime du gros et gras cinéma actuel ne m’enthousiasme que peu. Mes super-héros ne s’appelaient pas Iron Man, Thor (version Astérix sous stéroïdes) ou Black Widow. Ils s’appelaient Dutch Schaefer, Jack Slater ou John Matrix. Alors toutes mes excuses si je suis plus disposé à prendre un certain panard devant une histoire de robots complètement débile ressortie des cartons où dort mon héros d’enfance que devant un défilé de pantins costumés.


Ce nouveau Terminator est un bon divertissement, pour peu qu’on lui fasse la grâce de ne le comparer qu'à ses contemporains. C’est un film qui fait son boulot, relativement bien gaulé, proposant plusieurs mégatonnes d’action bourrine et un zeste bien senti de personnages qui font leur possible pour s’ancrer dans leurs rôles. Mais faut pas se leurrer, et c’est d’ailleurs là que le bas blesse, nous obligeant, malgré une bonne volonté forcenée, à nous trouver dans l’impasse de la cruelle comparaison avec les précédents : Les acteurs sont nazes. Ou disons qu’ils peinent à être à la hauteur des icônes qu’ils incarnent. Jai Truc, constamment martyrisé, mérite hélas sa renommée de charisme de roue de tracteur et l’autre c’est pire. Emilia Machin, mère des dragons ou je n’sais quoi, elle c’est pas possible. Pourquoi, bordel de merde, dans une époque où on aimerait plus que jamais établir une parité des sexes au cinéma, n’est-on pas fichu de prendre exemple (c’est le moment d’le faire putain) sur les aînés ? Cette Sarah Connor avec son visage de gamine capricieuse n’a rien de la chef de guerre qu’elle est sensée camper. Sarah Connor n’est pas une bombe sexuelle adolescente avec une petite trace de cambouis sur chaque joue. Elle a la peau burinée par le sable, tannée par le soleil et les muscles asséchés, saillant à la surface de son cuir comme des nœuds de marin suintant la sueur. Ce n’est pas un symbole sexuel couinant et quémandant la copulation. C’est un symbole de hargne et de charisme enfantant John dans une emprise bestiale. Marre de ces actrices qui se ressemblent toutes et font le même rôle, constamment.


Fort heureusement, il y a Arnold. Il ré-endosse son rôle et le fait bien, signant un retour de plus sur la maigre mais sympathique liste de son come-back, liste pour laquelle certains d’entre nous ne pouvons qu’avoir un petit engouement toujours curieux, voire excité. Arnold apporte une touche majeure qui va bien au delà de sa simple présence dans l’une de ses plus mythiques statures : Il est drôle. Et il est bon aussi. Bon et drôle. Il apporte le second degré essentiel à cette déflagration volcanique qui se devait de naître sous l’étendard de l’autodérision et du gros délire assumé et façonne l’un de ses retours les plus attendus (par les fans comme par la critique avide de sang) dans la forge des plus simples et efficaces défoules cinématographiques actuelles, à ranger aux côté des Marvel, DC et autres fresques hollywoodiennes. De l’action, de l’humour et du fun. C'est pas du grand cinéma, mais à quoi bon sortir les crocs ? Des effets qui tiennent la route, des répliques sympathiques, une utilisation justifiée et réussie du fan-service, des bastons de robots à tout va, un méchant qui ne fait jamais vraiment peur mais tient son rôle, des designs avenants, une idée scénaristique satisfaisante, une construction assez intéressante se déroulant dans deux temporalités crédibles parce qu’existantes avec des personnages de 1984 impressionnés par des tablettes, et la présence savoureuse du Last Action Hero qui, admettons le, fait la majeure partie du film.


Il faut vous calmer vous savez, vous et vos colère hystériques face au “cinéma”. C’est juste des explosions sur grand écran. Certaines vous plaisent plus que d’autres, mais à force de raconter les mêmes trucs, la critique devient prévisible. Y a rien d’injurieux ici, rien de honteux non plus. C’est du grand spectacle de 2015. On voit des endosquelettes conduire des camions et des robots-araignées pompés sur les tachikomas, des courses-poursuites d’hélicos et un duel de cyborg dans un bus jaune, la mise en scène fait partie des canons du genre actuel, pas dégueulasse, la caméra est souvent posée, la plupart des acteurs ne sert à rien mais on s’en branle, y a Arnold qui s’en tire de manière fort respectable, certes vieux mais pas obsolète. Bref, c’était cool.

zombiraptor

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