Déjà, le concept fait rire. Norman, le vidéaste traitant de sujets aussi dissidents que les barbecues ou les chats, décide de critiquer la bien-pensance sur Youtube ?! Celui dont la plus grande « polémique » remonte à une vidéo ayant pour thème sa couleur de peau, avec 5% de dislikes, cherche à bouleverser le politiquement correct de la plateforme qui l'a vue grandir ? Après tout, pourquoi pas. Depuis quand faut-il avoir de la légitimité pour critiquer de tels comportements ? Mais ce sketch reste une vidéo de Norman, et c'est bien ça le problème.
Norman s'est affirmé sur une image de vidéaste grand public, avec un humour facile d'accès et une autodérision permanente qui le rend sympathique (ou qui peut énerver). C'est l'exemple parfait du Youtubeur pour toute la famille. Son contenu le plus représentatif, que je ne critique pas ici, n'est pas « exigeant » : Il est fait pour tout le monde, sans exception. Ce sketch ne se démarque pas de ses productions par son manque de subtilité et sa maladresse.
Norman souhaite donc critiquer les dérives des « critiques sociales » et l'impact que ça a sur les pauvres créateurs, qui ne peuvent plus rien dire sans blesser personne, au risque d'en subir les frais. Pour cela, il utilise l'allégorie, en faisant d'Internet un terrain miné où chaque blague jugée discriminante sera punie de la mort.
L'allégorie est un concept compliqué à mettre en place, parce qu'elle doit trouver le juste milieu entre une représentation pataude mais compréhensible, ou quelque chose de subtil mais incompréhensible pour beaucoup. Norman choisit la première option. Cette allégorie d'Internet est extrêmement lourde, parce que tout est dit, mais rien n'est imaginé. Chaque élément qui alimente l'allégorie est clairement expliqué par le même personnage. Une balle ? C'est un tweet ! Quel est ce terrain miné ? C'est Internet ! Etc. Tout est explicite, pour éviter que le spectateur ne comprenne pas la moindre seconde. Ce manque de subtilité rend le sketch insupportable, parce qu'il donne l'impression de prendre son spectateur pour un idiot.
De plus, Norman n'est même pas capable d'assumer le message incroyablement politiquement incorrect de son sketch, ce qui se remarque très clairement à la fin. Le personnage principal décide de s'affranchir des critiques sociales et commence une blague faisant trembler le système tout entier. Voici la blague :
C'est l'histoire d'un belge, d'un juif et de Bob l'éponge... Et là, il y a Chuck Norris qui sort, en femme, parce qu'il a changé de sexe ! Donald Trump répond « Quoi ? Moi ? Je suis pas chaud ». Alors là, battle de twerk générale. Et une fois que la terre a explosé, c'est là que Bob l'éponge dit : « Bah ! C'était pas une algue ! C'était ma femme ! »
Voilà. Une « blague » absurde qui ne fera probablement rire personne. Si Norman assumait pleinement sa vidéo, il aurait fait une blague à caractère véritablement discriminatoire. Ou plusieurs sur différentes communautés, pour ne froisser personne. Mais le créateur a décidé de ne prendre aucun risque, montrant bien l'hypocrisie se ce sketch, critiquant un problème existant, mais sans qualité ni subtilité.
Oui, le politiquement correct existe. Oui, il y a des polémiques qui ne devraient pas exister. Est-ce que Norman a la crédibilité nécessaire pour en parler ? Probablement, mais il n'en a pas les qualités. Faire de l'argumentation indirecte est compliquée, parce que ça demande de la subtilité. Or, le contenu de Norman est tout public. Je ne dis pas qu'il a décidé de limiter sa création pour qu'elle soit adaptée à son public, mais je pense que son écriture est ainsi : Sans prise de tête, et de façon générale, très simplette. Quel dommage que ce sketch ne se distingue pas de ses autres créations. Il s'agit donc d'un court-métrage tout public, pour les 7 à 77 ans, mais manquant de qualités.