J'aime les histoires qui montrent des situations-limites. Celle-ci part d'une histoire vraie, ou plus précisément d'un fait divers et en est librement inspirée. C'est à dire des situations où les personnages sont poussés dans leurs retranchements et sont forcés de s'adapter à ce qui advient en se trouvant par là transformés eux-mêmes dans leurs valeurs.Terre battue est une histoire de ce genre là.
Tout cela commence par un homme de dos, en costume, il dit au revoir à ses collègues du supermarché duquel il était directeur. On sent son affection profonde et aussi que tout ceci n'est que le symptôme d'une rupture sans importance.
Un peu de légereté et d'optimisme pointent pourtant lorsqu'il rentre chez lui et que son fils lui dit "tu vas pouvoir faire la grasse matinée"...à côté, une femme muette à l'air fatiguée apparemment en proie à l'inquiétude; Le décor est d'or et déjà planté. On sent que des temps durs se profilent à l'horizon par l'absence de stabilité de cet environnement familial précaire où l'adversité rôde, venant mettre en péril les projets guillerets et mainstream (un magasin de chaussures géants pour femme).

En effet, la passion de Jérôme -le père-pour les supermarchés ne suffira par à ranimer la flamme dans son couple. Ainsi la mère part -car "il n'y a pas de bons moments" pour ça de toute façon- et il ne reste plus qu'Ugo, son fils de onze ans, jeune tennisman avec un coeur "inusable" pour seule motivation dans un paysage peuplé par l'échec.
Pourtant, Jérôme n'y croit plus car il y a toujours un meilleur joueur et c'est ce sentiment d'échec et cette absence de valeur qu'il va transmettre à son fils lors d'une nuit un peu trop arrosée où il noie sa tristesse dans l'alcool avec son meilleur ami. Il y a ainsi un effet de montée en puissance du drame, du licenciement banal à l'irresponsabilité paternel. Malgré tout ça, Ugo ne lâche pas sa raquette et continue à vivre sa vie de jeune espoir en s'accrochant au sien comme si de rien n'était et sans attendre plus de considération que ça. Ce dernier bastion de l'équilibre précaire valse lorsqu'il devient explicitement l'attracteur des frustrations et qu'il voit la victoire du derniet match du championnat comme sa seule issue à cet univers devenu détestable au point de vouloir le quitter.

Le film est une réussite car faussement moralisateur par la complexité émotionnel qu'il présente, il montre au contraire brillamment comment des individus peuvent être détruits par une société sans pitié au point de commettre l'irréparable "l'air de rien", pour s'en sortir. Au final; on n'en veut à personne, ni au père, ni au fils, ni à la sanction inévitable. On garde la distance nécessaire pour ne pas être compatissant. Une douche froide d'un réalisme troublant qui n'autorise pas à ne pas penser à plusieurs reprises aux films des frères Dardenne, voire à ceux de leur contemporain : Joachim Lafosse et plus particulièrement à "Elève libre".
Zarathoustra93
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le 17 déc. 2014

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Zarathoustra93

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