Avec peu, Fleischer parvient à captiver l’intérêt plus qu’on aurait pu le penser à la lecture du pitch, court et simpliste. Jugez plutôt, pour matière principale une aveugle effrayée par un timbré du caisson qui s’est introduit chez elle pour zigouiller la seule famille qui lui reste. Sur le papier, c’est loin de prêter au rêve, on s’imagine déjà les scènes agaçantes mettant en images la pauvrette apeurée, les yeux fixes et tremblants, les cordes vocales au max de leurs capacités. Et si malheureusement toutes ces craintes se révèlent avérées, et c’est certainement la limite de l’exercice auquel se prête Fleischer, elles ne prennent cependant aucunement le pas sur les idées que déploie le bonhomme pour rendre intéressant le vide qu'il a entre les mains.
C’est effectivement par son sens de la mise en scène qu’il parvient à tirer quelque chose de la crispante Mia Farrow (faut s’accrocher quand même …) ou tout au moins du pétrin dans lequel elle se trouve. Sa caméra emprunte autant aux premiers gialli de Bava, Dallamano ou autres Fulci qu’elle tente de s’approprier les gimmicks de ce genre bien particulier, caractérisant par exemple le tueur à travers ses exubérants souliers, rasant le sol dès qu’elle en a l’occasion pour garder le mystère quand à l’identité du taré qui les cire. Pour parfaire le challenge, Fleischer réussit, dans la première moitié du film, à rendre palpable la tension naissante d’une situation improbable : une jeune aveugle se ballade parmi les cadavres, sans savoir qu’ils sont là, prenant pour des âmes seulement endormies ses proches fraîchement expédiés dans un autre monde. La séquence ventrale de Terreur Aveugle file des frissons et, à elle seule, vaut assurément le coup d’œil.
Mais voilà, une fois Mia sortie dans les bois, il faut s’accrocher pour aller au bout de ce qui vire rapidement au thriller bas de plafond. Entre fausse piste racoleuse et coups de crocs stéréotypés, la résolution manque totalement le potentiel capturé par la caméra audacieuse qui filmait les premières séquences. Le dernier quart d’heure sonne comme l’abandon de Fleischer en matière de créativité : l’homme conclut sans autre forme de procès la croisade de son héroïne fadasse. Dès lors, on amorce la descente un peu dépité, en repensant au shoot stimulant de la première heure. Une chose est sure, si terreur aveugle ravira les amateurs de Fleischer qui ont déjà parcouru sa filmographie, le nouveau venu dans son œuvre préférera se frotter à ses films plus ambitieux : l’étrangleur de Boston, L’étrangleur de la place Rillington ou Les flics ne dorment pas la nuit sont d’un tout autre calibre que ce petit thriller campagnard qui a bien du mal à tenir la distance.