Terreur Express par Alligator
Dec 2009:
Un giallo en huis-clos qui tire sur l'érotisme à de nombreuses reprises mais dont le suspense est réellement bien amené et d'une efficacité redoutable.
Un trio de jeunes voyous prennent en otage tout un compartiment de train de nuit. D'abord, ils ne font qu'emmerder le monde, grossièrement, sans gêne, mais l'on sent déjà très bien qu'ils ne sont pas tout à fait normaux et que la situation va dégénérer. A la manière d'un Agatha Christie, on nous présente bien tous les membres de l'équipage.
- Un petit couple de vieux dont l'épouse souffrante espère trouver en Allemagne un docteur capable de lui sauver la vie.
- Une famille dysfonctionnelle dont le mari incestueux fantasme salement sur son adolescente de fille.
- Un couple dont le mari amoureux éperdu de sa femme est sans cesse ni amenité repoussé par elle.
- Un homme d'affaire obsédé sexuel qui écrase de son mépris social la basse engeance que réprésente pour lui son secrétaire.
- Un policier armé accompagne un détenu politique menotté dans le cadre d'une extradition.
- Enfin, une pute de luxe.
Tout ce petit monde se trouve aux prises avec la bande de trois jeunes arrogants, dont les intentions insensées représentent certainement les pires fantasmes de la bourgeoisie, ceux qu'elle a enfoui au plus profond de son hypocrisie : l'écrasement, l'humiliation, la manipulation, les diverses violences. Complètement désinhibés, ils font preuve d'une assurance qui semble sans limite. D'abord, ils passent pour de jeunes cons et c'est progressivement que la folie imprègne leurs actes dans une violence de plus en plus déchainée. La tension augmente peu à peu. Le réalisateur cloisonne parfaitement ses personnages dans ce processus continu, très bien maitrisé. Le rythme et le montage sont impeccables, totalement au service d'un suspense sauvage.
Werner Pochath, le meneur s'est fait une tête et une prestance qui pourraient passer pour bourgeoises, mais anodines, tout à fait normales mais son regard d'aigle laisse entrevoir la férocité et la folie de son personnage. Il est vraiment excellent dans la construction de son rôle de riche imbu de sa personne, de malade pervers assoiffé de pouvoir, de domination. Effrayant.
L'autre personnage saillant est jouée par la très jolie Silvia Dionisio, en pute de haut-vol, essayant tant bien que mal de se ménager une place en même temps qu'une image de soi valorisante. Volontiers altière, elle fera preuve, elle fera preuve de grand coeur en sacrifiant son ego pour sauver l'hymen d'une jeune fille. A cet égard, l'histoire fait heureusement référence à Boule de suif de Maupassant, notamment quand les otages, d'une malhonnêteté tout aussi déculpabilisante qu'immonde portent des jugements sur cet acte : "elle peut le faire, après tout, c'est son métier".
Ce film a priori un simple giallo à l'érotisme un brin complaisant cacherait un fond subversif, une vision acerbe de la société italienne? Il manque un curaillon dans le wagon pour appuyer cette thèse. Il n'empêche que les piques sont évidentes et répétées. Quant à la complaisance érotique, il serait difficile de l'éluder. Malgré tout, on peut estimer qu'elle souligne l'oppression des agresseurs, comme dans la tradition des fumetti pour adulte, culture exutoire aussi libidineuse que corrosive. Que ce soit au ciné ou en bédé, bien souvent de grandes bourgeoises se font sauter et avilir par la lie de la société : fantasmes machistes partagés par les mâles patrons comme les mâles employés mais dont le sens diverge bien entendu selon la classe sociale, concurrence de pouvoir au sein de la famille pour les uns et acte révolutionnaire pour les autres. Quoiqu'il en soit, ce film montre très bien cette complexité.
La mise en scène est bougrement efficace. Les acteurs ne sont pas mauvais. On retrouve Venantino Venantini, une trogne italo française que tout le monde connait (Les tontons flingueurs, Le corniaud, etc.). Peut-être Zora Kerova est-elle un chouïa en deça de ses petits camarades? Reste un film haletant, musclé, tendu et glauque.