Le Sacrifice...
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le 8 mars 2018
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1998, Russie. Naltchik, une petite ville située dans la région administrative du Caucase en République Kabardino-Balkarie. C’est là que vit Ila, ses parents et David son frère, tous de confession juive, dans un territoire majoritairement musulman. Le climat général autant que familial est étouffant. La guerre de Tchétchénie (autre république du Caucase et pays voisin) s’est achevée deux ans plus tôt (pour reprendre deux ans plus tard). Elle a non seulement porté le trouble dans le pays (tentative de scission avec la Russie, retour des vieilles haines et rancoeurs ethniques, montée de l’intégrisme religieux…), provoqué un confinement des différentes communautés mais également dévasté l’économie. Ila, rayonnante de fraîcheur semble étrangère à cette claustration. Garçon manqué, elle aime mettre les mains dans le cambouis pour aider son père, pire, elle fréquente un jeune kabarde au grand dam de e sa mère. Le soir de ses fiançailles, David se fait enlever contre rançon. Le prix à payer sera lourd de conséquence.
Kantemir Balagov, élève de Soukorov, insuffle à ce premier film, inspiré par un vécu familial, un mordant extraordinaire. Cette histoire tenant d’un fait de guerre « privé » se révèle en fait représentative du fonctionnement humain face à une crise, plus encore symbolise une période des plus confuses et dramatiques sur la scène internationale. Balagov cherche, par là-même, à travers une échelle micro sociétale à décortiquer les comportements, entrevoir les interactions, véritables conséquences sur un niveau macro socio-politique. Il s’y applique avec méthode par une mise en scène ingénieuse et inventive. Chaque plan (du rapproché au très gros) est en concordance avec l’environnement, fugace ou intentionnellement long. Cela passe par des ambiances à couleurs dominantes (bleu, rouge, camaïeu d’ocre), les objets (usuels, cigarette, enveloppe, vêtements…) et le resserrement à l’écran des protagonistes (le format de l’image 4/3). La voiture tient également une place importante, elle est vectrice d’explications (notamment une scène magistrale entre père et fille où une trace sur le pare-brise lacère leurs visages), de refuge mais surtout d’échappatoire.
Chaque séquence qui se conjugue auprès de la famille et leur environnement influencera le vécu et la mutation du pays. La tension est permanente, le spectre du drame enveloppe le film et la sensation d’étouffement provoquée, de fait, est omniprésente sauf à de rares moments d’aération (rave party, le pique-nique…). La conjoncture exacerbe les agissements autarciques. Balagov y puise les ressources et dresse une série de portraits significatifs avec leurs travers (la mère a l’amour castrateur par exemple) ou moments de bravoure (la scène des pré-fiançailles). Il confie au personnage d’Ila, celui de l’héroïne virginale à tout ce fatras, elle a la candeur de ceux qui souhaitent vivre heureux. Qu’importe les dogmes et les traditions où règnent contraintes ou hypocrisie, elle affiche une modernité et une indépendance sans limite. Elle brise les chaînes non pas sans scrupules, mais comme une évidence viscérale. Après tout, qu’elle soit à l’intérieur (noyau familial, communauté) ou à l’extérieur (ville, « les autres ethnies », ailleurs) ne vient pas transiger sur les faits ni annihiler les risques. Il y aura d’autres enlèvements, d’autres actes de tortures (accrochez-vous pour certaines scènes !), d’autres guerres civiles.
Malgré cette démonstration assez pessimiste, « Testona, une vie à l’étroit » est loin d’être aride, ou doctrinaire. La manière qu’a Balagov d’exhorter mécaniquement les tenants et aboutissants et d’exprimer le cheminement intellectuel de chacun se veut rationnelle, parfois presque détachée. Néanmoins, il suscite constamment l’intérêt du spectateur par l’humanisme et le réalisme objectif qu’il porte à ses personnages. Le choix des acteurs en est indissociable, et là encore c’est le parcours sans faute. A commencer par la toute jeune Darya Zhovner radieuse et si authentique, mais aussi Olga Dragunova en mère radicale et Atrem Tsypin en père effacé. Tous sont impressionnants et pertinents dans leur approche.
On se souvient en 2017 du sublime « Faute d’amour » et de la terrible noirceur que porte Andrey Zvyagintsev sur la Russie actuelle, ici la conclusion est nettement moins âpre. Ila, même si l’on ne connaît pas son avenir, sera toujours on l’espère, et malgré les compromis, de celles qui ne renoncent pas tout à fait comme une certaine « Alexandra » (film d’Alexandre Sokourov) et saura, dans les décombres s’il le faut, trouver le sens de la vie.
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le 9 mars 2018
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