Doors Wide Shut
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Elle part travailler aux aurores, il y a une voiture qui l’attend pour l’amener et dans laquelle elle s’endort, et comme elle arrive toujours avant les autres et parce qu’elle est là pour ça, c’est elle qui fait le café, qui allume les ordinateurs, les néons et le photocopieur, qui prépare les documents de la journée et nettoie le bureau du big boss. Jane est, depuis deux mois, l’assistante à tout faire d’un puissant producteur de cinéma, deux mois durant lesquels elle a pu constater l’impunité de celui-ci en termes d’agressions et de harcèlements sexuels sur de jeunes actrices ou employées en devenir (toute ressemblance avec un certain Harvey W., et tant d’autres aussi, serait ici purement intentionnelle).
D’ailleurs nous ne le verrons pas, ce producteur. À peine une silhouette entre deux portes, une voix grave et menaçante au téléphone, quelques éclats de rire et pas mal d’éclats de voix. À peine une silhouette pour mieux en souligner le caractère universel. C’est également tout un système opaque et complice, au sein d’un environnement professionnel aliénant (échanges déshumanisés, machisme ordinaire, considération zéro…), que Kitty Green égratigne et met à nu. Système où la parole n’a pas lieu d’être, et où la vérité n’est qu’une blague entre collègues, un papier mis à la poubelle. La scène où Jane tente d’alerter du comportement de son supérieur auprès des ressources humaines est à ce titre plus qu’éloquente, et d’une grande violence psychologique (avec un Matthew Macfadyen aussi onctueux et détestable que son rôle dans la série Succession).
Green, par une simple association de détails et de mots, suggère pour dire ce qui relève de l’évidence. Le constat se fait dans un dépouillement absolu d’actions et de mise en scène, et jusqu’à l’interprétation impeccable de la trop rare Julia Garner (la coriace Ruth Langmore de la série Ozark, c’est elle). Mais cette retenue, aussi bénéfique soit elle dans la rigueur et la pertinence apportées à la démonstration, finit par désincarner celle-ci et place le spectateur quasi en retrait de ce qu’il voit, sans réelle empathie pour Jane. Une sorte de posture à la Haneke misant sur l’anti-spectaculaire et le hors-champ, mais qui finit par se retourner contre le film, pris à son propre piège de rigorisme.
Créée
le 25 oct. 2021
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