Le marathon de Barkley est une course américaine figurant très certainement en haut de la liste des ultratrails les plus difficiles au monde, avec ses 160 kilomètres de distance et ses 18 000 mètres de dénivelé cumulé positif à travers les forêts du parc d'État de Frozen Head, dans le Tennessee. Plus de deux fois l'Everest à monter et à descendre, s'amusent les organisateurs. Mais avant toute chose, c'est l'une des courses les plus atypiques qui soient et ce pour un très grand nombre de raisons.
L'idée de cette course inhumaine est née dans la tête de Gary « Lazarus » Cantrell, un ancien traileur, aidé par son ami Karl Henn, inspiré par la fuite du prisonnier James Earl Ray, assassin de Martin Luther King, qui avait parcouru 13 kilomètres dans les bois alentours en 55 heures. Cantrell, satirique, dit qu'il aurait couru au moins 160 kilomètres dans ce temps, pour se moquer de la performance du détenu : et voilà, le marathon était né.
Barkley est une course qui fut instituée en 1986, mais il fallut attendre 1995 et son extension à l'international pour voir un premier participant terminer l'intégralité du parcours. Durant les 25 premières années du marathon, seulement 10 personnes sont parvenues à atteindre un tel exploit : difficile de donner un meilleur gage du caractère extrême de cette compétition. Des centaines de participants postulent chaque année pour s'inscrire mais seulement 30 à 40 seront retenus, sur la base de leurs réponses à un questionnaire d'entrée. Chaque année, pour l'aspect potache, une personne confirmée mais qui ne fera de manière évidente pas le poids est retenue : elle ne parvient en général même pas à terminer le premier tour.
La course s'organise autour de 5 tours d'un parcours non-balisé de 20 miles : les deux premiers sont réalisés dans un sens (de jour puis de nuit), les deux suivants dans le sens inverse (de jour et de nuit également), et le dernier s'effectue de manière aléatoire, en distribuant les coureurs dans des sens différents à chaque fois. Autant dire qu'il est très rare de voir des gens s'engager dans ce cinquième et dernier tour. Quelques particularités : GPS interdit, le tracé de la course est donné seulement la veille de l'événement et le début peut avoir lieu dans une fenêtre de 12 heures. Il existe une dizaine de checkpoints à franchir par tous les participants qui doivent arracher une page précise de livres positionnés à ces endroits pour prouver qu'ils y sont bien passés.
"The Barkley Marathons: The Race That Eats Its Young" parvient à établir un équilibre vraiment réjouissant entre la folie complète de ce genre d'épreuve et le côté très humain, familial de l'aventure. Le coût du ticket d'entrée : 1.60 dollars (à ce prix, Laz peut envoyer chier n'importe quel mécontent), une plaque d'immatriculation originaire de son pays, et selon l'année et les besoins de l'organisateur, une chemise blanche, une paire de chaussette, etc. Ainsi ce qui pourrait se transformer en un ultratrail supplémentaire parvient à conserver une dimension franchement altruiste, favorisant l'entraide puisqu'au final, tout le monde sait pertinemment que très peu parviendront à boucler les 5 tours. En réalité, même si la limite est fixée à 60 heures pour valider le marathon, il ne reste très vite plus beaucoup de participants. Forcément, quand un ancien militaire ayant appartenu aux Special Ops déclare qu'il n'a jamais connu quelque chose d'aussi brutal et qu'il échoue devant des informaticiens et autres ingénieurs en mécanique, on rit beaucoup et on prend la mesure de l'épreuve.
http://www.je-mattarde.com/index.php?post/The-Barkley-Marathons-The-Race-That-Eats-Its-Young-de-Annika-Iltis-et-Timothy-James-Kane-2014