La tour infernale
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Pour accompagner (et se faire du bien au passage) : https://www.youtube.com/watch?v=XIX0ZDqDljA&list=RDXIX0ZDqDljA
Étrange film que ce Big Short. La bande annonce laissait entrevoir une comédie faussement immorale et véritablement hypocrite. Or, le film est finalement relativement différent. Côté comédie, Adam McKay n’offre en effet qu’assez peu de choses à se mettre sous la dent, certaines qui fonctionnent, d'autres moins. En revanche la part « sérieuse » et concernée me paraît moins hypocrite que prévue, et peut-être même - pourquoi pas ? - sincère.
Atout indéniable : une volonté d'amener tout un chacun à comprendre des mécanismes obscures, et dont l'obscurité permet justement de tromper. Et c'est là le nœud du problème auquel se confrontent ou non - surtout non - les "films post-crise". Ainsi : d'un côté, un Leonardo DiCaprio feignant de tout nous expliquer par le menu avant de ramener tout ça à de la pure et simple cupidité. Et de l'autre, un Zachary Quinto en mode « sage » pas si éloigné de sa version de Monsieur Spoke répliquant que tout ça est un peu plus complexe. Sauf que si le premier se tient à son programme et suscite un questionnement bien plus large (comment remettre en cause un système dont on est parti prenante et active ?), le deuxième, sous-couvert d'éviter le manichéisme et la facilité bien commode qui consisterait à tout mettre sur le dos de quelques traders pourris, ne cherche finalement jamais à expliquer cette fameuse "complexité". Autre facilité.
C'est donc là qu'intervient The Big Short dont le mérite, et non des moindres, et d'essayer d'amener cette complexité à la compréhension de tous, et sans infantilisation comme certains (critikat), assez hautains à mon sens, on pu l'écrire. On en arrive ainsi à nous expliquer, de diverses façons plus ou moins pédagogiques et inspirées, ce que sont tous ces produits financiers dont les concepteurs eux-mêmes, moins par pure "méchanceté" que par irresponsabilité bête et égoïste, semblent ne pas comprendre la nature explosive.
De là, peut-on en toute légitimité reprocher à Adam McKay de simplement tirer à boulet rouge sur des banquiers caricaturés à la va-vite tout en faisant son beurre, au passage, sur le dos des victimes. Mais ce qui pose d’avantage question serait plutôt ce choix de raconter le parcours de ces personnages misant contre le système (avec des motivations ambiguës allant de la révolte molle au cynisme... mou lui-aussi) sur le mode du parcours du combattant typique du self-made man. Ce qui, au final débouche sur un drôle de sentiment. Serait-ce là une façon douteuse d'héroïser ces "outsiders" qui, dans les faits, mériteraient d’être dépeint avec beaucoup plus de férocité au regard de leur opportunisme jusqu’au-boutiste ? Ou bien s’agirait-il au contraire d’une manière de retourner le mythe de la réussite à l'américaine comme une crêpe, en appuyant là où ça fait mal, c'est à dire sur le vide intersidéral qu’est son horizon du toujours plus ?
Au final, j’avoue ne pas avoir de réponse à cette question. Et il n’est pas certains que le film, de part son intrigante ambiguïté, le fasse non plus. Ceci étant - et c’est là une chose bien plus intéressante et parfaitement inattendue - le film se termine en laissant un drôle de goût dans la bouche, un malaise des plus désarmants, comme une impression d'impuissance absolument désespérante qui, je trouve, prend bien le pouls du monde actuel. Un sentiment autrefois résumé par une phrase de John Ford d’après John Steinbeck : "alors, sur qui on tire ?".
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Créée
le 17 janv. 2016
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