L’adage le dit : les meilleures intentions sont souvent les moins bonnes, et l’Enfer même en est pavé, paraît-il. The birth of a nation, par exemple, part d’une bonne intention, celle d’évoquer la vie de Nathaniel Turner, prêcheur et esclave de Virginie qui, en 1831, mena une révolte sanglante contre les propriétaires d’esclaves (une soixante d’hommes, de femmes et d’enfants blancs furent tués) et les conditions terrifiantes dans lesquelles ils (sur)vivaient (tortures, viols, mutilations…). Révolte de deux jours qui sera sévèrement réprimée et conduira à de nouvelles lois, plus restrictives encore, vis-à-vis des esclaves (avec, en guise de "conclusion", la guerre de Sécession trente ans plus tard).


La bonne intention, donc. Historique, éducative, toujours d’actualité (c’est ce qu’on appelle l’esclavage moderne). Le traitement maintenant, et là l’adage prévaut. Nate Parker, tout impliqué qu’il est dans son film (acteur, réalisateur, scénariste, producteur), a semble-t-il manqué de recul (et d’humilité ?) quant à la mise en forme de ses ambitions. Plan-plan, sans grâce ni ampleur (manque de rythme, montage fouillis…), parfois inspiré, souvent maladroit et même outrancier (les visions de l’ange qu’on dirait empruntées à de vieux rushes de Bodyguard, l’affrontement final, mal fichu, sur fond de world music pour compil’ "régénération et bien-être", les pendus qui pendent sur du Nina Simone…), The birth of a nation s’embourbe dans une exigence platement académique et autres élans risibles que peu de bon sens parvient à contrebalancer.


Le film pâtit de cet aspect ultra-conventionnel qui en pulvérise sa portée, d’autant que Parker évoque, certes du bout des lèvres (qu’il a toujours tremblantes, quoi qu’il joue), le dérisoire de l’insurrection et son côté un rien illuminé (Turner, travaillé par sa foi, prétend avoir été choisi par Dieu pour mener la rébellion), voire fanatique dans cette volonté de combattre le mal par le mal : contre une oppression d’une violence inimaginable, quelles actions étaient plus justes, quelles options plus envisageables sinon le meurtre et la barbarie ?… Adoubé par la critique et l’académie des Oscars qui en fit, lors de sa consécration à Sundance, son film-événement prompt, éventuellement, à faire taire la "polémique" de l’année dernière (avant qu’une sombre histoire de mœurs ne ramène le film aux oubliettes), The birth of a nation n’a bien aujourd’hui que sa maigre intention pour pavaner et pour (faire) pleurer.


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le 13 janv. 2017

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