Bien des choses ont changé chez Sofia Coppola entre son premier court-métrage Lick the Star et The Bling Ring. Pour autant elle est toujours restée fidèle à ses thèmes de prédilection que sont l'adolescence, le fait de se sentir perdu dans un engrenage ou la relation avec les adultes. A la manière de ces adolescents paumés dans leur vie qui ne cherchent qu'à "lécher les étoiles", The Bling Ring renvoie fièrement à son premier court-métrage, essai réussi pour une réalisatrice qui nous aura gratifié de sa patte et de son regard sur l'adolescence depuis quinze ans maintenant et six métrages à son actif. Une jeunesse paumée, mal orientée, un peu naïve et désormais obnubilée par les nouvelles technologies, ne sachant plus que vivre de manière éphémère et imperissable à la fois (les partages sur les réseaux sociaux, la trace de leur vie en ligne) et se prend à rêver de se retrouver à la place de leurs idoles, ces stars qui semblent inatteignables.

Dit et répété sans cesse depuis la sortie du film comme pour justifier les partis pris de Sofia Coppola, The Bling Ring est une histoire vraie tirée d'un gang de cambrioleurs adolescents qui a sévi à Los Angeles entre 2008 et 2009. La réalisatrice s'est inspirée du travail de Nancy Jo Sales et de son article publié dans Vanity Fair : The Suspects Wore Louboutins. L'article est très intéressant et permet de mieux saisir les enjeux du film de Coppola. D'ailleurs, la réalisatrice s'en inspire énormément au point de reprendre les citations clés de l'article et de les incorporer au long-métrage, notamment la fameuse tirade d'Emma Watson/Nickie sur la quête de son être spirituel et sa volonté de devenir un leader.

Le plus intéressant dans ce film reste quand même ce regard incisif -moins qu'à l'accoutumée- sur cette jeunesse dorée frivole qui ne cesse d'aller et venir dans les différentes soirées de LA à la recherche d'un but à atteindre. Sofia Coppola rend ces situations extrêmement vides où tout le monde se connait, s'apprécie mais personne ne se communique réellement et tend seulement à donner une image d'eux qui voudrait se rapprocher de leurs idoles. La communication existe entre ces jeunes, mais elle ne passe que par les nouvelles technologies. Une jeunesse qui ne vit qu'à l'instant et partage n'importe quelle photo toujours dans ce souci de valoriser leur image. Même si le film est parsemé de dialogues plus ou moins stupides, censés correspondre à l'idée de communication des adolescents de LA, leur amitié est extrêmement vide et ne tient qu'à ses vols en série qui leur permet, non pas seulement de dérober pour le plaisir, mais d'afficher leurs connaissances dans le domaine de la mode et donc de partager des moments de sympathies entre eux.

Sofia Coppola adopte une mise en scène qui emploie quelques ellipses pour bien éclairer certaines situations. Le personnage de Marc, implicitement gay, éprouve une certaine attirance pour son amie, leadeuse de gang cambrioleur. Une scène montre une posture de mannequin de celle-ci et le regard que Marc porte sur elle, la voix-off de Marc comble ce moment de vide intellectuel et nous permet d'apprendre un peu plus sur sa relation avec elle, au-delà de l'amitié, mais en deçà de l'amour. D'ailleurs le personnage de Marc est le plus intéressant de la bande, le plus travaillé, le plus angoissé, celui qui a le plus de remords. Il ferait presque penser à une image autobiographique de la réalisatrice, lorsque ce dernier évoque une situation familiale difficile avec son père, distributeur de films et sans cesse en déplacement tandis que sa mère reste à la maison. Il est le plus mal à l'aise dans cette ville qui ne lui correspond pas réellement. Il est oppressé par le personnage de Los Angeles, stéréotypé au possible où LA ne semble n'être qu'une ville de luxure et de démence.

Le problème du film, c'est que Sofia Coppola n'ajoute pas grand chose à ce fait divers. Mise à part, sa bande-son toujours aussi décoiffante et évoquant rapidement la frénésie de cette jeunesse où il faut être là et partout à la fois, Sofia ne fait que retranscrire à l'écran l'histoire de cette bande de jeunes, sans apporter de véritable regard, sans une psychologie honnête des personnages (mis à part Marc) et The Bling Ring au final n'est qu'une succession de cambriolages sans véritable but. A la manière de Spring Breakers d'Harmony Korine qui rendait le Spring Break fascinant alors que le but était l'inverse, The Bling Ring à vouloir faire une critique de la superficialité et de la luxure qui aveugle ces jeunes souillés par leurs désirs, n'en devient que plus envoûtant. L'éventail d'objets de mode à l'écran tend au dégoût mais finalement il fascine et pourrait presque provoquer l'effet inverse du film, si les conséquences juridiques n'étaient pas là pour mettre un terme à cette vie idyllique, faite de dérobages de vêtements, d'objets et accessoires de mode en tout genre. Les marques de mode s'enchaînent à vitesse grand V et le film, dans une autre dimension, ferait presque penser que le sujet n'est que la glorification de ces labels.

Le manque de construction de Sofia Coppola se ressent surtout sur ses personnages féminins, finalement que l'ombre de leurs stéréotypes. Celui de Nicki/Emma Watson semble exagéré au possible. Mais finalement, pas tellement. Il suffit de regarder quelques extraits des interviews de la vraie Nickie et de son émission de télé-réalité pour prendre conscience du vide de cette fille, dont l'unique but dans sa vie semble être l'image de soi-même et les tendances fashion. Les autres personnages jouent également sur des clichés différents mais confèrent à ces personnages une ineptie déconcertante. A trop vouloir retranscrire l'histoire de ce gang, Sofia Coppola cède à la facilité de créer des personnages sans fond alors qu'ils ne sont que des exemples pour appuyer ce cliché. En une heure trente, la réalisatrice ne se donne pas la peine d’étayer ces personnages et préfèrent appuyer avec douleur sur cette tendance presque pornographique qu'est la mode, la superficialité, le manque de communication de la jeunesse dorée ou la quête idiote pour devenir une prétendue star. Ce parti-pris n'est pas inintéressant en soi, et se révèle presque captivant mais l'histoire de cette bande ne relève au final que du secondaire, de la même superficialité que Sofia critique ouvertement. Il faut lui reconnaître néanmoins sa mise en scène très élégante qui alterne les moments jours et nuits, et joue énormément sur l'oppression des situations. Et ce travail est aidé par celui sur la photographie d'Harry Savides, décédé après le tournage, qui permet de souligner certaines situations de son empreinte incisive à l'encontre de ces adolescents qui se cachent de la réalité derrière un voile Gucci.

Au final, The Bling Ring n'est que l'ombre de lui-même. Pour autant, il reste assez intéressant à regarder et même si les thématiques employées ont déjà été vu plusieurs fois avec le même doigt pointeur, l'image de cette génération 2.0 obnubilée par les illusions et l'image de soi qui ne communique pas réellement bénéficie d'un certain traitement qui confère au film des arguments pour le regarder. A vouloir atteindre cet idéal de la star-system, construit par les médias et les côtés pervers de la société, ces jeunes en essayant de lécher les étoiles ont vu leurs ailes brûlées et s’effondrer durement sur le bitume de la réalité, et des conséquences de leurs actions. Sofia Coppola nous gratifie donc d'un titre très mineur dans sa filmographie même s'il peut se voir comme une continuité dans sa carrière. Mais l'appui sur les stéréotypes des situations, les successions de cambriolages et la glorification des marques de luxe ne font que caricaturer le film alors que le fait divers méritait un traitement plus approfondi qu'une simple retranscription d'un article de Vanity Fair. Marc disait que l'Amérique éprouvait une fascination perverse pour les Bonnie et Clyde. Le propos vaut également pour ce film où l'histoire du Bling Ring intéresse particulièrement sur l'aspect des motivations de la bande mais ne provoque finalement qu'un sentiment de vide, voire de mépris, à l'égard de ces adolescents. Il en reste un film à la mise en scène claire et posée, élégante et rythmée, aidée par la bande-son d'une réalisatrice sage et très pop.

Un film séduisant et vain à la fois.
Softon
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le 29 mai 2013

Modifiée

le 14 juin 2013

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Kévin List

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