6e long métrage de Ken Russell, ce Boy Friend très américain et il faut le dire un peu bancal semble être un premier film maladroit. La faute à un trop plein d'idées et d'ambitions qui ne sont hélas pas réalisées et simplement jetées devant l'écran dans un grand barnum étourdissant qui finit par épuiser.

Le sujet du film est tiré d'un musical des années 50 dont je ne sais si la méta-discursivité était déjà de mise (je ne le pense pas). Ici on a donc un backstage musical de structure classique, à ceci prêt que le film dure peu ou prou le temps d'une représentation et ne suit pas les étapes de la création d'un spectacle comme c'est le plus souvent le cas : on commence avec l'arrivée des comédiens au théâtre, puis la représentation avec des allers-retours incessants entre scène, coulisses, public et fantasme de la représentation, puis on termine sur une suite de saynètes à valeur de conclusions de chaque intrigue individuelle : le réalisateur, les ambitions des comédiens, la bluette, etc.

Rien de bien folichon si ce n'est les quelques trouvailles qui font le sel du film : comme toujours chez le (bon) Russell, les séquences rêvées et fantasmées, quoique parfaitement kitsch, sont inventives et amusantes, les numéros filmés sont parfois visuellement réussis (même si l'hommage à Busby Berkeley passe une fois mais pas quinze), et l'humour réussit de temps en temps à faire mouche (malgré des bides monumentaux). Côté casting, tous les habitués du cinéastes ou presque répondent à l'appel : Max Adrien, Chris Gable, Glenda Jackson. Et en vedette bien sûr, la top modèle phare sur Swinging London, Twiggy (la bien nommée), qui ne s'en sort pas trop mal dans un rôle relativement exigeant. A noter aussi la présence de l'improbable Vladek Sheybal (autre relatif habitué du cinéaste) et de Georgina Hale, l'interprète trilingue du Mépris de Godard.

Bien sûr on sent le film au budget pas totalement cohérent, les costumes sont à la fois très colorés et un peu cheap (même lorsqu'ils ne sont pas supposés l'être) et Russell se permet des audaces gratuites et caractéristiques : caméra qui tangue, prises de vue inhabituelles, regards caméra. Tout est post synchronisé un peu à l'arrache et le jeu est inégal, mais on ne sait jamais vraiment quand l'attribuer au film et quand l'attribuer à une de ses mises en abîmes : c'est la limite des backstage musicals dont le sujet est un spectacle miteux qui rêve de grandeur. On appréciera par ailleurs la licence légère et friponne de l'ensemble, tout en références plus ou moins discrètes à une certaine débauche admise. Le côté queer du film est d'ailleurs manifeste, notamment dans une des dernières répliques, parfaitement équivoque.

Gageons que dans ce tumulte fanfaronnant le plus si débutant (déjà deux grands films à son actif à l'époque au moins) Ken Russell avait la lucidité de savoir dans quoi il s'aventurait. Du kitsch au second degré donc, et un film à priori sincère sur un univers qu'il affectionne tout en signifiant sa médiocrité. Curieux geste en somme.

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le 5 août 2014

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Krokodebil

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