Bien avant d'être couronnée de gloire, au cours des années 1970, par les succès successifs de Chinatown (1974), Profession : reporter (1975) et Vol au-dessus d'un nid de coucou (1975), la carrière de Jack Nicholson avait débuté discrètement, dans l'anonymat relatif des films de genre à petit budget. Sous la houlette de Roger Corman, il effectua ses débuts d'acteur dans le thriller The Cry Baby Killer (1958), et fit pendant une dizaine d'années ses classes auprès de son mentor, le plus souvent devant la caméra mais parfois aussi comme scénariste, et même réalisateur. The Broken Land, petit western tourné en 1962 par un certain John A. Bushelman (un poulain de Corman), s'inscrit dans cette période où Nicholson n'était pas encore le monstre sacré d'Hollywood qu'il est devenu.
Il n'y a pas grand-chose à reprocher à ce film sans prétentions, qui comme L'Ouragan de la vengeance et La Mort tragique de Leland Drum, tournés quatre ans plus tard par Monte Hellman, est doté d'un scénario simple, classique, mais très efficace. Dans une petite ville de l'Arizona tombée sous la coupe d'un shérif autoritaire, trois hommes et une femme s'allient après avoir été injustement condamnés. [Jack Nicholson y interprète, pour l'anecdote, un personnage dénommé Will Brocious, fils (imaginaire) de l'authentique hors-la-loi Curly Bill Brocious, célèbre entre autres méfaits pour être l'un des assassins présumés de Morgan Earp, et descendu peu après par son frère Wyatt Earp.] Habitué aux séjours derrière les barreaux par la simple faute de son patronyme, Will est rejoint en prison par le jeune Billy (Gary Sneed), faussement accusé de vol, et un étranger du nom de Dave Dunson (Robert Sampson) qui a eu le tort de prendre son parti et s'est fait rosser par le shérif Jim Cogan (Kent Taylor). Une femme du nom de Mavera (Dianna Darin), qui visiblement connaît Cogan et ne le porte pas dans son cœur, aide les trois hommes à s'échapper. Après cette première demi-heure en décors urbains, les trois hommes et la femme s'enfuient à travers le désert. Mais le shérif se lance à leur poursuite, décidé à les abattre sans autre forme de procès...
Un scénario simple, donc, mais qui fonctionne très bien, ce malgré la courte durée du film : une heure tout juste. Jack Nicholson, encore tout jeune et bien coiffé, n'est pas plus mis en avant que les quatre autres acteurs principaux, ce qui permet à chaque personnage d'être développé au même niveau. La deuxième partie du film, celle de la course-poursuite dans la nature, manque un peu d'action, mais la scène finale qui se déroule à nouveau dans la ville clôt le film de manière efficace. Les paysages du désert du Sonora sont joliment mis en valeur, et la musique colle bien au ton du film, minimaliste et sans détours. Malgré le peu de moyens dont disposait, à l'évidence, The Broken Land, il en résulte un divertissement tout à fait honnête, qui fera plaisir aux fans de Jack Nicholson comme aux amateurs de westerns. Il y a même, au milieu de cette petite ville perdue d'Arizona, un inhabituel personnage de restaurateur français, joué par un acteur... italien !