Tous les plus grands réalisateurs digne de ce nom se sont un jour retrouvé confronté à la difficulté de réaliser un deuxième long-métrage. Si on peut pardonner quelques errances approximatives, des références trop appuyées, un rythme indolent et autres erreurs de débutant quant il s’agit d’un premier essai, il n’en est pas de même du second, qui se doit toujours d’apporter la confirmation des espoirs placés en eux, il s’en va de la réputation même du cinéaste. Black Past a connu un prolifique succès sur le marché de la vidéo après être passé à la serpe du comité de censure, expurgé de 16 minutes avant qu’un director’s cut ne voit finalement le jour en 2000 pour rétablir cette injustice. Grâce au montant des recettes, le jeune Olaf Ittenbach ambitionne déjà de reprendre sa caméra pour tourner un nouveau long-métrage plus gore, plus violent et plus sombre encore, avec un budget estimé à environ 30 000 euros. Ses démêlés judiciaires ne l’ont visiblement pas refroidi ni même assagît. Cela lui en coûtera puisqu’il devra en répondre auprès du tribunal, s’acquitter d’une amande de 2500 € pour « Glorification de la violence » tandis que tous les exemplaires de The Burning Moon seront saisi dans le pays, et sa diffusion interdite. À l’époque, les allemands ne rigolaient pas avec ce genre de cinéma apparenté à de la déviance et de la perversion, surtout quand ces films évoque des sujets aussi grave et tabou faisant écho à un spectre pas si lointain que le gouvernement à peine réunifié (la chute du mur de Berlin ne date que de 1989 on le rappel) n’a semblerait-il pas encore tout à fait digéré.


Précédé d’une réputation sulfureuse, The Burning Moon se présente comme une anthologie horrifique bien qu’il ne possède aucune transition typique des films à sketches tel que Creepshow qui permettent de segmenter plus facilement le récit. En résulte cette étrange impression d’avoir affaire à un kaléidoscope de crimes crapuleux, de mises à morts barbares, compilations de décapitation, démembrements, immolation par feu, sévices et châtiments corporelles, écartèlement, fraisage de gueule et trépanation dans les dents et le cerveau, d’ éviscération et de balles tirées à bout portant. La violence est omniprésente et reviendra par intermittence, de manière parfois totalement gratuite et fortuite (une tête balancé sur le capot d’une voiture à un feu rouge, ou bien un badaud percuté de plein fouet qui finira écraser sous les roues). Le réalisateur campe un ado tourmenté en pleine crise existentiel, qui se réfugie dans la drogue et l’alcool quant il ne déverse pas tout son mal-être dans des règlements de compte organisés entre bandes rivales où personne ne retient ses coups même si l’opposition ne manquera certainement pas de faire rigoler certain et de nous rappeler au bon vieux temps de la série Hélène et les Garçons (« Hey mais c’est les minables ! ») où des zonards au look tout aussi ringard se frittaient eux aussi à grand coup de barre de fer et de chaîne de vélo. On retrouve ici son versant allemand, bien plus sanguinolent au cœur d’une nuit de pleine lune où le destin de son principal interprète va finalement basculer lorsqu’il va décider de commettre l’irréparable en assassinant sa petite sœur après lui avoir raconté des histoires pour la terrifier au moment de la border dans son lit.


La première d’entre elle décrit l’évasion d’un forcené de son hôpital psychiatrique et qui va tomber fou amoureux d'une femme avec laquelle il va avoir un rencart et qui va donc se mettre à décimer son entourage familiale dans un carnage d’une brutalité inouïe pour ne l’avoir rien que pour lui. Il s’agit d’un slasher certes assez classique mais qui ne manque cependant pas de séquences gores et d’effets pratiques aussi crus que sadique, comme ce point de vue d’un œil dont on suivra le trajet de la mâchoire au tube digestif après que le tueur ai forcé la victime à l’avaler. Une séquence hommage qui approfondit d’une certaine manière le eye popping and swallowing de Evil Dead 2. Là encore, le talent des maquillages et effets spéciaux saute aux yeux, et on ne croit pas avoir déjà vu leur équivalent de manière aussi réaliste et sec comme un coup de serpette dans le visage. Olaf Ittenbach qui était prothésiste dentaire de métier il faut le rappeler, met à l’amande la plupart des maquilleurs professionnels de série B Hollywoodienne grâce à une connaissance accrue de l’anatomie humaine et un soin maniaque apporté sur ces sujets d’expérience qu’il se complait à massacrer de toutes les manières possible.


La seconde histoire fait carrément un bond dans le temps, et se déroule dans un patelin reculé de l’Allemagne profonde où sévit un serial killer qui utilise sa couverture de prêtre pour violer ses victimes avant de les abattre d’une balle dans la tête ou bien de les sacrifier sur l’autel de l’antéchrist. Les suspicions de la communauté vont alors se porter sur l’idiot du village qui en bon crétin de chrétien pense toujours à tendre l’autre joue pour recevoir le change. La description de ce monde rural se veut très acerbe (entre La Longue Nuit de L’Exorcisme de Lucio Fulci et Les Chiens de Paille de Sam Peckinpah) avec l’animosité virile des péquenauds qui ne peuvent pas s’exprimer autrement que par la violence en tapant sur ce dernier qui leur sert non seulement de souffre-douleur mais également de bouc émissaire parfait. Lorsque le prêtre va finalement se suicider pour rejoindre l’au-delà, il ne sera alors plus en capacité de le protéger de la vindicte populaire. Là le réalisateur nous offre l’une des plus belles séquences de sa filmographie mais également l’une des plus rude avec le lynchage de ce pauvre paysan à grand coup de marteau dans le crâne accentué par une musique mélodramatique en fond sonore qui tend à mettre aussi bien la victime que le spectateur au supplice. La vengeance ne tardera cependant pas à se manifester lorsque la victime va se réveiller d’entre les morts pour emmener son bourreau dans l’antichambre de l’enfer qui lui servira de tombeau.


Olaf Ittenbach se complait visiblement à transgresser toutes les règles et la morale, repousser les limites bien au delà du raisonnable, ce qui rend d’autant moins évident à défendre le propos du long-métrage qui ne repose en grande partie que sur ce spectacle régressif et exaltant dans la lignée du grand guinol madness si cher à Hershell Gordon Lewis mais sur un ton beaucoup plus mature et pessimiste. L’appréciation dépendra donc de la sensibilité de chacun, mais il faut tout de même reconnaître que le cinéaste a encore fait des progrès dans le travail de sa mise en scène avec la présence d’une équipe technique et d’une approche déjà plus professionnel, ce qui lui permet parfois de composer avec une atmosphère mortifère et lugubre relevé par des effets de brumes et d’éclairage, et de quelques envolés lyriques qui amène le métrage vers une forme de poésie gore et morbide. Tout le film semble ainsi contaminé par un état de frustration et de colère qui finira par culminer dans une représentation macabre de l’enfer qui ne sera jamais égalé depuis, avant-goût funèbre de ce que réserve l’au-delà aux pauvres pêcheurs… Une vision infernale qui nous abandonne à un cauchemar difficile d'oublier. Evidemment, The Burning Moon est à réserver uniquement à un public averti.


Si toi aussi tu es un gros frustré qui en a marre de toutes ces conneries, eh bien L’Écran Barge est fait pour toi. Tu y trouveras tout un arsenal de critiques de films subversifs réalisés par des misanthropes qui n’ont pas peur de tirer à balles réelles.

Le-Roy-du-Bis
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le 7 mai 2024

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