Si vous lisez ceci, c’est soit que vous avez confondu de film avec The Courier de 2020, traduit en français Un espion ordinaire, soit que vous avez une déviance qui vous rend sympathique. En effet, on est bien ici sur le film The Courier de 2019, traduit en français par Le colis et là, petit temps d’arrêt pour constater que deux films au titre assez équivoque et à un an d’écart ont tous deux loupé leur tentative de traduction. The courier c’est….le courrier. On est au niveau des puissants génies qui ont traduit The purge non pas en La purge, mais en American Nightmare pour le titre français. Parce que c’est important que les gens comprennent les titres originaux.
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Pourquoi le colis, en viens-je à me demander? Pourquoi pas Mayhem hour under the parking ? Ca ferait bien comme titre francophone. Ou encore, pour la petite fibre british, une référence à Attack The Block en traduisant The Courier par Attack The Box. Le plus triste dans tout ça, c’est que The Courier ne signifie pas le colis mais le courrier. La personne qui livre, pas le paquet que le courrier transporte. The courier, c’est bien Olga Kurylenko et non la valise piégée qu’elle apporte et qui n’a plus aucune incidence sitôt l’élément déclencheur posé. C’est comme si John Wick avait décidé de s’appeler La batte. C’est un métier de trouver des titres on dirait, surtout quand google trad bosse mieux que les humains réunis autour d’une table pour penser marketting. Comble de la misère, The courier de 2019 n’apparaît même pas quand on tape le titre original, alors que Un espion ordinaire oui. C’est un échec à tous les niveaux. D’ailleurs, même le résumé sur Senscritique se fout du film. Ce ne sont pas du tout des agents de la CIA et des mercenaires russes les méchants. Cela dit, l'affiche non plus n'est pas ce que propose Le paquet.
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Chargement du niveau du parking...veuillez patientez
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En attendant de me remettre John Wick pour en écrire un article, je me suis convaincu de lancer The Courier avec un niveau d’exigence assez bas. Gary Oldman en méchant avec un cosplay de GI Joe, Olga Kurylenko en combinaison avec sa petite moue de chaton tueur, j’étais prêt à « poser mon cerveau à côté » comme le dit l’expression consacrée. J’étais même prêt à accepter des armes qui tirent des coups de feu et font des impacts en CGI, mais je n’étais pas prêt à vivre le cauchemar au -3 du Nakatomi Plazza sans même avoir la radio dans une limousine pour m'occuper en attendant la fin.
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Soit, je vous fais le premier acte du film, histoire de vous mettre l’eau à la bouche. Oldman est dans une église et on vient le voir pour échanger des mots énigmatiques, style « Il est l’heure – oui j’y vais ». Puis Olga roule dans la ville de nuit. Pendant ce temps, le tribunal attend. Des agents d’interpol vont dans un ascenseur sur fond de musique de suspense. Ils attendent que la porte se ferme. Olga roule et tourne à une rue. Oldman est chez lui et écoute de la musique classique pour montrer qu’il est méchant et raffiné. Il interompt sa fille qui vient le voir pour qu’on attende tous la fin de la musique. L’ascenseur monte. Les agents d’interpol regardent leur montre. Le tribunal regarde sa montre. Olga roule en moto. On voit qu’elle a un casque connecté. Oldman met un second morceau de musique qu’on écoute en entier en le regardant fermer les yeux pour montrer qu'il aime savourer les notes. Derrière lui, on peut voir le sponsor, un catalogue de salon tout équipé pour passer le temps. Interpol verrouille les accès au parking. Le tribunal attend. Oldman attend. Olga arrive au parking. Olga valide son ticket de parking qui n'est pas verrouillé finalement. Olga prend l’ascenseur. Le tribunal attend. Oldman est à table et papote avec un agent du FBI. Olga livre le colis. Un mec va aux toilettes. Un agent d’interpol visse un silencieux sur son arme. Je mets pause pour regarder le minutage. Plus de 20 minutes se sont écoulées.
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Puis en fait il y avait des traîtres chez interpol, alors Olga sécurise un témoin (monsieur pipi) dont elle s’improvise garde du corps et va faire la bagarre pendant une heure dans un parking. Elle ne sera repérée qu’une fois par le mec qui surveille les caméras, fera de la bagarre avec un équipement limité pour faire croire que c’est un Die Hard et guérira même d’une balle reçue à la jambe en réapprenant à courir aussitôt un bandana mis en restauration de points de vie. Ah et à la fin elle gagne et en fait le FBI aussi avait des traîtres. Venons-en aux soucis de penser qu’un film d’action peut être meilleur s’il est un mauvais jeu vidéo contenant un seul niveau.
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Le colis brille
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Même si le début du film est ennuyeux à mourir, on se raccroche à quelques points potentiellement enthousiasmants. Les plans dans la ville sont jolis, avec ces éclairages qui se reflètent sur le casque de moto, les bagnoles, la combinaison. On se croirait dans un jeu de voitures avec son esthétique de pub qui veut en jeter plein la vue. La manière de filmer est nulle étant donné qu’on met cinq plans pour filmer 15 mètres de route, mais vient l’espoir qu’il y aura une course-poursuite – titre et genre obligent – et qu’avec un peu de chance on aura de la vraie tôle froissée et quelques cascades urbaines appréciables. Eh non ! La seule utilité de la moto sera de permettre à Olga de récupérer ses points de vie pendant qu’un drone la poursuit dans un parking. Le casque lui-même, connecté et prétexte à offrir de la vue à la première personne toute moisie, ne servira que pour tuer un méchant avec un cutter façon fin de Predators, en moins bien et plus con.
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Bon, dans le parking, de l’action, il y en a. Mais rien ne fonctionne vraiment. Déjà, parce que l’enjeu est navrant. Olga est un avatar sans saveur qui protège un mec qui a peur de tout, sauf d’aller témoigner contre un baron de la pègre. Ses seules actions jusqu’à la fin seront crier, regarder Olga se mettre en soutard, lui toucher les seins sans le faire exprès, crier, se plaindre et se prendre une balle. Puis il restera caché assez longtemps pour que ses points de vie remontent de façon passive, ce qui lui donnera l’étonnante énergie de courir, surprendre et poignarder le dernier méchant. Ce dernier antagoniste est d’ailleurs la preuve que cabotiner est un art et que n’est pas Nicholas Cage qui veut. L’acteur qui incarne ce boss final a joué dans Narnja, probablement le héros, et tente ici de marquer les esprits en en faisant des caisses au point de cligner des yeux comme s’il avait une descente d’acide toutes les dix secondes. Ou une poussière dans l’œil. Mais, à sa décharge, tous les traîtres du film attrapent une tête de méchant qui surjoue dès que le spectateur présumé débile sait qu’ils sont des pas gentils. On est à ce niveau d’écriture de personnages.
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Si l’enjeu est navrant et qu’on se fout de la raison qui fait que les gens se battent, rien n’est impactant. Et pourtant, il y avait quelques idées. La colis se blesse, en bave au corps-à-corps contre les mercenaires qui la traquent et ne peut compter que sur les armes de poing qu’elle ramasse sur les cadavres car toutes les mitraillettes son biocodées pour ne pas être utilisables par d’autres propriétaires, Oh ! Oh ! Oh !
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Je vais même aller jusqu’à souligner que la chorégraphie des bagarres rattraperait celle des gunfights molles et mal cadrées, en plus de clairement montrer qu’aucun méchant ne sait viser. J’emploie le conditionnel car rien n’est rattrapé à cause du surdécoupage. On comprend les coups portés, mais tout est fait pour en ruiner l’impact via des changements frénétiques de caméras. C’en est ridicule au point que même quand un vilain tombe à genoux, la gorge ouverte, l’œil vide et à deux secondes du trépas total, on filme sa chute en montrant tous les angles possibles au lieu de juste rester avec le mec en train d‘agoniser pour l’accompagner dans la mort via un seul plan efficace. Quelques effets sobrement gores réveillent un peu, sans jamais ramener l'attention.
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Bien sûr, on n’oublie pas les « hommages » qui sont en fait des poncifs mal digérés. Olga parle des notes sur sa fiche de personnage quand elle se planque avec le témoin pour nous bouleverser en nous apprenant que, comme Steven Seagal, elle a fait la guerre à l’étranger et est ceinture noire des opérations spéciales top secrètes. Elle chipe des outils pour se battre parce qu’elle a vu Equalizer, elle se fait assommer et capturer parce qu’il y a toujours une scène où l’avatar se fait interroger par les méchants au lieu de juste recevoir sa draguée dans le cervelet. Tout y est pour garantir le pitoyable de la tentative avortée. La seule originalité, c’est le huis-clos avec les voitures garées et on s’en serait bien passés. Il y a un épisode de la série Seinfeld qui se déroule entièrement dans un parking. Ben je préfère de loin me remettre trois fois de suite l’épisode plutôt que revivre le niveau -3 de Trailer Parking Girl.
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Quant au jeu des acteurs, il est aussi plat que les dialogues. Gary Oldman nous refait un taré de Léon en moins bien, Olga Kurylenko joue comme d’habitude, c’est-à-dire mal. Aucun échange verbal n’apporte le moindre relief. C’est écrit par un enfant de 8 ans qui ne s’est pas investi dans son projet. Je suis d’autant plus grinçant que le film n’a pas l’excuse de l’absence totale de budget, d’équipe technique ou de vedettes pour essayer de se vendre. C’est un film qui n’a pas coûté très cher, mais qui mise tout sur sa lumière et les plans du début dignes de figurer dans un DVD de démonstration au rayon écrans plats de votre supermarché. Ce qui est pire que direct annoncer que les caisses sont légères niveau trésorerie. Il y avait une promesse d’un truc un peu lécher, certes poseur, mais soigné et avec une envie de bien faire. Or, on reste dans un jeu de cache-cache dans un parking avec des effets pathétiques et une façon malhonnête de rallonger le film en filmant pendant des plombes des mecs qui marchent en visant des trucs. C’est navrant.
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Le courrier du coeur
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Avec ses vingt minutes de clip pour écrans plats suivis d’une heure à nous faire ressentir l’horreur de ne plus retrouver sa caisse pour se barrer d’un lieu aussi inintéressant que mal exploité, The courier est un film heureusement déjà oublié grâce à son homonyme sorti un an après. Je mets deux étoiles pour la lumière et l’effort des chorégraphies, ainsi que les débuts d’idées qui auraient pu donner quelque chose. Si elles avaient été ne serait-ce que correctement filmées on pouvait atteindre les 3, voire 4 étoiles. Avec un effort pour un scénario simple et suffisant, on avait la moyenne. Il s’en est fallu de peu.