Pas besoin du numérique pour adapter un comic book !
Aujourd’hui, quand nous parlons d’un film adapté d’un comic book, les mœurs nous font obligatoirement penser aux super-héros. Notamment ceux issus des écuries Marvel (Spider-Man, X-Men, Avengers…) et DC Comics (Superman, Batman, Green Lantern...). Pourtant, le genre du roman graphique ne touche pas que ce domaine culturel. Par exemple, nous avons Sin City et 300 (polar et péplum). Ainsi que The Crow, un vengeur revenu d’entre les morts créé par James O’Barr (celui-ci ayant eu l’idée du personnage après avoir perdu sa fiancée à la suite d’un accrochage avec un chauffard ivre). Une BD, à la base pour évacuer sa colère, qui fut un succès au point d’attirer Hollywood. Et surtout un réalisateur, Alex Proyas (Dark City, I, Robot et Prédictions), qui en fera son premier long-métrage !
Eric Draven (Brandon Lee), jeune guitariste de rock, et sa fiancée sont assassinés la veille de leur mariage par le parrain qui terrorise Detroit, un certain Top Dollar (Michael Wincott). Un an plus tard, Eric est ramené à la vie après qu’un mystérieux corbeau ait atterri sur sa tombe. Comme protégé par l’étrange volatile, l’ancien rockeur se lance dans une quête vengeresse, afin d’éliminer tous les responsables du viol et du meurtre de son aimée, et de pouvoir enfin reposer en paix.
Les aventures d’un vengeur revenu d’outre-tombe, voilà quelque chose qui peut surprendre ! D’autant plus qu’Hollywood, bien qu’ayant pris des risques dans les années 80-90 à produire des films auxquels personnes ne croyaient et qui, finalement, sont devenus les succès que tout le monde connait (Star Wars, Retour vers le Futur, Indiana Jones…), est habitué aux bons sentiments et la gaieté. Ici, nous nous retrouvons avec un récit d’une noirceur extrême et un chouïa immoral (mettant sur un piédestal la justice personnelle), insistant sur le fait que nous vivons dans un monde cruel. The Crow a donc le mérite de sortir des sentiers battus, bien que niveau scénario, nous avons connus mieux : ici, les personnages ne sont pas vraiment travaillés (surtout les secondaires), le script ne va pas plus loin que cette histoire de vengeance (alors que le thème de la résurrection avait de quoi enrichir l’ensemble)… Bref, nous suivons simplement la quête de notre héros, ni plus ni moins ! Et ce dès les premières secondes du film, ce dernier démarrant par la scène du crime (concernant notre couple) pour enchaîner directement sur la renaissance d’Eric.
Mais malgré son scénario qui ne fait que reprendre bêtement celle du roman graphique d’origine, le film prend une tout autre tournure quand on connait sa triste anecdote. Celle qui relate l’incident vécu par l’équipe de tournage : la mort de son acteur principal, Brandon Lee (fils de Bruce Lee), pendant une scène (utilisation d’une arme à feu qui devait normalement être chargée à blanc). Une fois ça en tête, The Crow se voit différent. Nous obligeant à faire le lien entre le destin du comédien et celui de son personnage. Renforçant l’attachement que nous éprouvons envers celui-ci et sa quête. Et rappelant qu’avec le réalisateur, le comédien s’est battu corps et âme pour que l’adaptation soit aussi fidèle que possible à l’œuvre d’origine, alors qu’Hollywood voulait en faire autre chose (un moment, il était question d’une comédie musicale). En plus, voir Brandon se délecter à incarner son rôle (notamment quand il prend la pose et se permet une certaine gestuelle lors des séquences de règlements de comptes) aux côtés de comédiens qui font bien leur boulot, nous ne pouvons qu’apprécier son engouement pour que ce projet prenne vie.
Surtout que The Crow se présente à nous comme une belle claque visuelle ! Alors que commencent à pulluler sur nos écrans des adaptations qui abusent du numérique pour exprimer un aspect « bande-dessinée (Sin City, 300, Watchmen, The Spirit) avec des budgets plus conséquents (dépassant sans mal les 50 millions de dollars, certains atteignant même la barre des 100 millions), le film d’Alex Proyas leur accorde un joli pied de nez ! Sorti tout droit de 1994 et avec un coût de seulement 15 millions de dollars, le long-métrage affiche un visuel qui sonnent moins faux. Proposant un savoureux mélange entre décors de studio et effets spéciaux faits mains (principalement des maquettes) pour mettre sur pied un univers ténébreux envoûtant grâce à l’ambiance musicale (balançant entre des musiques de rédemption signées par Graeme Revell et toute une playlist de titres rock, afin d’accompagner notre héros). Ajoutez un cela des jeux de lumière somptueux pour mettre en valeur un côté religieux (la pluie y est également pour quelque chose) et vous obtenez un film impressionnant pour la rétine et qui sait transmettre des émotions malgré un script qui s’annonçait vide sur le papier. Le parfait exemple pour dire qu’un film peut être une BD à part entière, si l’ambiance du produit d’origine est retranscrite de la sorte.
Un long-métrage qui n’a pas volé son statut de film culte ! Lançant la carrière d’un cinéaste de génie et pouvant prétendre au titre d’une des meilleures adaptations de comic book que le cinéma connaisse. Un succès amplement mérité qui a donné naissance à plusieurs suites (un remake/reboot serait même d’actualité) et une série télévisée, qui n’ont pas eu le même écho. Il faut dire que sans Alex Proyas et Brandon Lee, The Crow n’est rien !