Qui sème le chaos récolte l'anarchie

Cette critique contient des spoilers.

The Dark Knight est à la fois le meilleur film de super-héros à ce jour, mais aussi un thriller urbain d'une redoutable efficacité, qui fera date dans l'histoire du cinéma. Dans cette suite magistrale, Christopher Nolan nous plonge dans un Gotham d'une noirceur poussée à l'extrême, déchiré par des gangs de mafieux et par un psychopathe insaisissable répondant au nom de Joker. Batman retrouve ainsi son célèbre némésis en la personne de Heath Ledger, après l'interprétation inoubliable de Jack Nicholson en 1989. Ce nouveau Joker fait d'ailleurs beaucoup d'ombre au précédent et s'en démarque radicalement, en se présentant comme un déséquilibré définitivement dénué de moralité et ne répondant à aucune logique. Il en devient donc imprévisible et très difficile à cerner pour le justicier. La scène de l'interrogatoire musclé restera dans les annales.

Dans ce nouvel opus, les enjeux dramatiques atteignent leur paroxysme et l'impensable arrive : l'amie d'enfance (et amoureuse) du héros est tuée et son fiancé effroyablement mutilé (un grand choc lorsqu'on découvre le résultat à l'hôpital). Aucun des deux n'en sort donc indemne, puisque Harvey Dent va commencer à s'autodétruire jusqu'à atteindre le point de non-retour. Un retournement de situation monumental qui prive ainsi le héros de sa seule amie et le public d'un personnage attachant. Le réalisateur nous offre ici une scène coup de poing que l'on oubliera pas de sitôt. Le film dispose aussi d'autres grands moments d'émotion, notamment lorsque Alfred ment à Bruce pour son bien et brûle la lettre de Rachel. Une émotion qui va culminer et nous mettre sous très haute tension lors du final déchirant, quand Double-Face est prêt à tuer la famille du commissaire Gordon pour le briser. La scène suivante (et dernière) restera la plus belle de par sa force, le héros endossant les crimes du procureur en devenant ainsi un fugitif détesté de tous. Une victoire au goût des plus amères pour le preux chevalier.

Dans cette suite, les acteurs livrent encore des interprétations de haute volée ; la mention spéciale revenant bien évidemment à celle, fiévreuse et habitée, de Heath Ledger en Joker. Au niveau de la technique, la mise en scène est particulièrement soignée et la photographie lumineuse magnifie comme jamais les décors urbains de Gotham, en leur insufflant presque une âme. Quant aux cascades, elles sont réellement bluffantes (notamment le camion qui se renverse). Du côté de la musique, Hans Zimmer est toujours au sommet de sa forme et nous livre des morceaux épiques à souhait, qui instillent une atmosphère urbaine très pesante au récit. Avec The Dark Knight, Christopher Nolan donne ses lettres de noblesse au film de super-héros et hisse littéralement le personnage de Batman au rang de mythe. Il en résulte un chef-d'œuvre puissant d'une force rare.