The Dark Knight Rises par AntoineRA
• Revu en mai 2014 :
À vouloir en faire toujours plus, le scénario ne prend jamais la peine de vraiment poser la situation et se barde de raccourcis faciles, prévisibles et de scènes pseudo-intellectuelles indignes de Nolan. Si Tom Hardy assure en Bane, Batman est lui bien trop en retrait ; sans parler de Cotillard... Néanmoins, on ne pourra retirer à Nolan sa mise en scène irréprochable et spectaculaire, tout en restant ancrée dans un réalisme affolant. Avec pratiquement la moitié du film tournée en IMAX (trois fois plus que dans The Dark Knight), l'action et l'exposition deviennent totalement viscérales et s'imposent dans une échelle époustouflante. Du coup, à mettre du IMAX un peu partout (même pour des plans de 2 sec à l'envolée), le retour au format classique devient souvent frustrant et créé un ensemble irrégulier. Cette fin de trilogie demeure tout de même à part du simple film de super-héros, avec un degré d'épique que Zimmer a voulu rendre dans la bande-son. Mais en se lâchant pleinement, il pose un style pompeux, analogue à l’œuvre ampoulée qu'est ce The Dark Knight Rises ; rare "échec" de Mr. Nolan.
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• Critique du 30 juillet 2012 :
A l'heure où les superhéros pullulent sur nos écrans, Marvel a atteint la consécration avec Avengers, qui signait la conclusion d'une "Phase I" d'un projet bien plus ambitieux et gargantuesque. A côté, DC enchaîne les quilles quand il ne s'agit pas de films sur Batman (Green Lantern, Superman Returns). The Dark Knight a indéniablement marqué le paysage cinématographique du genre et révolutionné la façon de présenter les superhéros sur grand écran, si bien que bon nombre de suiveurs s'en sont inspirés de cette optique plus sombre et réaliste. Paradoxalement, la Warner n'a jamais réussi à faire décoller d'autres franchises, en quatre ans, alors que Marvel s'envolait, même si la qualité n'était pas forcément constante. Et si The Dark Knight est longtemps resté indétrônable pour de nombreux amateurs, je ne l'ai jamais adulé, bien que reconnaissant ses innombrables qualités et la volonté de Christopher Nolan d'apporter une vision ultra-réaliste à la Chauve-Souris. Cette œuvre a longtemps été, pour moi, bien trop accaparée par le Joker, tout en se démarquant visuellement avec les racines posées dans Begins, qui garde par moments ma préférence.
En comprimant l'intrigue de Double-Face dans The Dark Knight, et avec la mort d'Heath Ledger, les frères Nolan ont dû complètement réinventer la poursuite de leur triptyque, et le résultat a plutôt des allures de travail bâclé, maladroitement colmaté par des complications scénaristiques inutiles. Et c'est un des gros problèmes de ce troisième épisode, Nolan veut en faire trop, toujours trop. C'est comme s'il voulait masquer sa difficulté à réaliser de vraies scènes d'action époustouflantes et mémorables, derrière l'excuse de focaliser sont film sur la construction d'une histoire complexe... en apparence. Alors oui, l'histoire est plutôt sombre, adulte, mais dès lors que l'on creuse un minimum, la trame est toute dessinée et des plus classiques, se cachant surtout derrières maintes dialogues pompeux, lourds, et loin de sembler spontanés. Sans compter l'humour peu concluant. C'est la première fois que l'on ressent cette impression de "trop calculé" pour réunir tous les éléments probants dans cette conclusion. À tel point qu'il n'y a guère de surprises dans ce Batman. Une fois l'intérêt de voir Bane s'emparer de la ville et "briser" la Chauve-Souris passé, les passages envisagés comme émotionnellement forts n'ont guère d'impact (le physicien seul capable de désamorcer la bombe, le saut de Wayne sans corde, la conscience de Selina,....). Tout est tellement millimétré que l'on sait constamment à quoi s'attendre. Et même les twists sont foireux, c'est pour dire.
Par ailleurs, l'on nous ressort à peu de chose près le même genre de scénario que dans Batman Begins. Sauf que Bruce est désormais un reclus qui va se décider à reprendre la cape, mais échouant dans sa tâche va s'entraîner de nouveau et voler à la rescousse de Gotham, avec une intrigue concernant la Ligue des Ombres en bonus. Les ellipses ou éléments omis sont aussi bien trop nombreux, histoire de ne pas perdre encore plus de temps en explications, et la notion du temps (les cinq mois du règne de Bane par exemple) n'est vraiment pas ressentie, ni représentée, dans l'avancement du film.
Bane devient, en outre, assez aseptisé dans ses actions destructrices, pour cause de limitation PG-13, vu qu'il agit physiquement (contrairement au psychologique du Joker), et c'est malheureux car c'est un ennemi brut et d'envergure qui aurait pu être réellement rendu plus effrayant. Comme c'est l'univers ultra-réaliste de Nolan, pas de poison et taille démesurée de la corpulence, le personnage de Bane est juste une sorte de terroriste avec une musculature imposante, mais aussi une agilité déconcertante. Son intelligence est également redoutable, mais sa présence n'est pas affichée suffisamment menaçante sur Gotham, alors même qu'elle est sous son joug. Sa voix assez légère typée vocoder fait toutefois perdre de la prestance à cette brute calculatrice et rend les interactions plutôt étranges, même si chacune entraîne un déferlement de basses. Sinon, sa bouche étant couverte d'une sorte de masque-muselière, Tom Hardy se sert majoritairement de son regard pour transmettre les émotions, généralement une sérénité perturbante, et fournit une prestation exceptionnelle. On regrettera la tentative d'humanisation finale qui achève totalement la construction du vilain.
Autre personnage phare des comics, Catwoman est ici représentée par Anne Hathaway. Difficile d'y voir vraiment l'(anti)héroïne des planches dessinées au vu de sa réinterprétation. Et pour cause, elle n'est jamais nommée tel quelle, et a davantage l'air d'une voleuse à la technologie très sophistiquée. Bien que ses mouvements soient agiles et acrobatiques, et que l'on ressente en Hathaway un côté rusé, félin, dans sa locution posée et susurrée notamment. La jeune femme surprend par son jeu, mais son personnage arrive comme un cheveu sur la soupe, peu fouillé et n'a finalement guère d'intérêt vis à vis du scénario vu qu'elle sert ses ambitions et est juste là pour avoir croisé la route de Wayne.
Un Bruce Wayne que Christian Bale interprète toujours à merveille. Frêle et claudiquant après 8 années d’ermitage, on va le revoir regagner sa force pour asséner les coups finaux. En mode misanthrope au début du film, il n'est plus très sûr de ses convictions puis va finalement décider de reprendre du service. Sur la prestation, rien de particulier à redire, l'acteur n'est plu à prouver et s'inscrit dans la continuité des précédents. Toutefois Batman apparaît ici trop faible, mollasson, toujours assisté ou dans véhicule (sympa le "Bat"(plane) à l'occasion). On ne le voit plus arpenter les rues, les cieux, les toits, enquêter de son côté... D'ailleurs, on ne le voit pas beaucoup de tout le film, et ce sera principalement la journée, ce qui fait perdre pas mal de charme et d'efficacité au héros. Si Bruce est moins éclipsé que dans The Dark Knight, il récupère de nouveau une trame à la Begins avec déchéance et renaissance. Batman lui est de plus en plus absent et fait plus du spectaculaire que de l'efficience.
Pour le reste du casting, notre Française, Marion Cotillard, renouvelle avec Nolan après Inception (comme la majorité du casting d’ailleurs). Elle joue Miranda Tate, de façon plutôt bancale, avec une amourette inutile et une dernière scène tellement ratée qu'elle est amenée à devenir culte. Gary Oldman, maintenant commissaire Gordon, retransmet bien l'inspecteur perdu entre son devoir et sa raison, tandis qu'un de ses nouveaux alliés, l'agent John Blake, est solidement introduit par Joseph Gordon-Levitt. Un personnage "tête brulée" aux valeurs morales certaines et au caractère empathique qui marque le film de la très bonne prestation de l'acteur américain. Alfred est, quant à lui, peu présent. Michael Caine l’interprète correctement, dans la suite d'idées du précédent film, en continuant de s'opposer aux idées chevaleresque de Bruce, mais moins authentique quand il s'enfonce dans les pleurs. Lucius Fox, joué par Morgan Freeman, est aussi présent par intermittences ; pas d'accrocs notables dans sa prestation si ce n'est qu'il ne semble pas toujours entièrement concentré à la tâche. Enfin, Liam Neeson fait une brève apparition sans intérêt, et la présence de Jonathan Crane, encore en cameo, demeure une très bonne surprise. Un dernier mot sur les nombreux figurants, souvent dans le faux, que ce soit dans les scènes du stade, des mouvements de foule, ou des affrontements entre les forces de l'ordre et les partisans de Bane.
De ce nouveau Batman, on retient surtout les incroyables séquences IMAX qui en mettent réellement plein la vue. Nolan assied une réalisation sublime, tout est propre, agencé au millimètre, et pas un pète ne dépasse. Les courses poursuites jouissent d'une captation maîtrisée et se font spectaculaires. Au milieu des séquences d'action, les angles de vue sont souvent saisissants et intenses. Les combats corporels sont néanmoins plus sommaires, le seul vraiment prenant étant le premier duel Batman/Bane. Il était difficile de penser qu'il pourrait surpasser The Dark Knight sur la mise en scène, pourtant le résultat parle de lui-même : The Dark Knight Rises est visuellement impressionnant. Le film, en lui-même, est plutôt bien rythmé, alternant consciencieusement dialogues et scènes mouvementées, même si celles-ci tournent vite court du fait d'explications pharaoniques. Si la réalisation est des plus rutilantes, le fait de baser le film essentiellement de jour a tendance à moins marquer et annihile quelque peu l'essence de Batman, tout comme celle de Gotham, déjà bien attaquée dans The Dark Knight. Pas assez sombre, trop banale, la ville érigée à l'écran est plus que réelle mais loin d'être le domaine de la Chauve-Souris. De plus, les plans qui nous en sont montrés sont sans saveur, loin du look industriel qu'avait su donner Begins. Quant aux effets spéciaux, comme sur la majorité des films de Christopher Nolan, ils sont mécaniques et, sans forcément épater puisque pas martelés, ils sont crédibles et très bien intégrés. Étrangement, le montage du film garde un style très Inception, que ce soit dans la photographie, ou même le montage de l'épilogue, et dans une certaine mesure le prologue qui part aussi dans tous les sens.
Côté bande son, James Newton Howard qui avait bien vu que Zimmer et Nolan s'entendaient comme cul et chemise et préparaient un genre d'Inception bis, a préféré ne pas tenir la chandelle sur ce nouveau film. Il avait également tendance à temporiser le compositeur allemand qui, du coup, laisse soin à ses morceaux explosifs d'accaparer tout le long-métrage. La trame musicale de Zimmer apporte beaucoup au film, de part des thèmes forts et mémorables. On y retrouve les envolées tonitruantes classiques maintenant typiques de Batman, mais aussi un thème plus primitif correspondant à Bane. On constate toutefois que le compositeur a tendance à réutiliser à l'excès les mêmes partitions comme son nouveau leitmotiv sur fond de chants scandés "deshi basara", ou les percussions et basses vrombissantes allant crescendo qui annoncent les scènes d'action.
Loin de faire dans l'anti-Nolanisme primaire - le Monsieur ayant tout de même réalisé un de mes films fétiches (Le Prestige) tout comme d'autres œuvres de talent - je pense que beaucoup restent obnubilés par son simple nom à la réalisation et donc la promesse d'un blockbuster dit "intelligent". Eh bien c'est dommage. Dommage car Christopher Nolan peut aussi se rater. Adepte de scénarios alambiqués et solides, celui de The Dark Knight Rises ne fait pas réfléchir longtemps avant de s'effondrer sur lui-même, et le spectacle présenté a davantage tendance à frustrer le spectateur que le divertir. Pour une conclusion de trilogie qui se voulait épique, ce dernier volet accuse un nombre sidérant de manques et gaucheries que seules la patte artistique maîtrisée de Nolan et les interprétations prodigieuses des acteurs principaux parviennent à contrebalancer un minimum. The Dark Knight Rises s'éteint donc sur une note plutôt sombre, alors qu'il prônait un finale d'espoir, non exempt de qualités fortes et d'une certaine singularité par rapport aux autres films superhéroiques, mais dont les quelques écueils le rongent comme une tumeur au fur et à mesure que l'on y pense, n'en laissant qu'une œuvre moindre, surtout lorsque l'on connaît le travail subtil et minutieux auquel nous a habitués le réalisateur.
C'est à se demander, désormais, si Warner sera capable de continuer et d'innover, en dehors de Batman ou Superman. Ce dernier que l'on retrouvera d'ailleurs dès l'an prochain, avec la sortie de Man Of Steel, reboot du personnage qui semble suivre de très près la vision de Nolan. En espérant que ça donne la marche à suivre pour l'adaptation d'autres personnages.