Oh là là mais le blockbuster tellement occupé à faire de Bruce Wayne/Batman un superhéros que c'en est d'un banal. "The Dark Knight Rises" ("TDKR") commence quelques années après que Batman a disparu sur sa moto, pourchassé pour des crimes dont il a endossé la responsabilité. Bruce Wayne vit désormais reclus, il boite et s'est laisser pousser un horrible bouc (signe de déchéance). Et puis soudain, il y a menace sur Gotham. Le commissaire Gordon, un jeune flic (Gordon-Levitt), et Alfred, qui fantasme de le voir fonder une famille (le bonheur), le pressent de revêtir le masque. J'y vais ? J'y vais pas ? Pas très motivé. Il revient quand même.
En 2005, Christopher Nolan avait rebooté la licence en décrivant un homme chauve-souris réaliste. « Batman Begins » illustrait avec application la naissance de Batman : les gadgets high-tech, les arts martiaux, la névrose originelle... S'en est suivi un puissant "Dark Knight", qui tirait la licence DC Comics vers une zone jamais empruntée au cinéma : le thriller et le film noir. Mais "The Dark Knight Rises" s'inscrit davantage dans la lignée de "Batman Begins". Pressé de boucler la trilogie, à coups de phrases sentencieuses, le film en oublie de creuser ses personnages. Selyna Kyle ("Catwoman") en est l'exemple le plus intrigant. Une femme sans passé, réduite à ses hauts talons, ses acrobaties et à sa duplicité.
"The Dark Knight Rises" fait péter le budget à l’écran avec des décors gigantesques, des scènes aériennes et des explosions de bâtiments. Il y quatre ans, il suffisait au Joker de brûler une pyramide de billets pour que le film produise une étincelle. Le Joker: "Je suis un mec aux goûts simples, j'adore la dynamite, la poudre et l'essence. Tu sais ce qu'ils ont en commun ? Ils sont bon marché." Parce que « TDKR » ne fonctionne pas à l'économie, pas une seule scène n'y restera culte. L'effondrement d'un terrain de stade s'avère plus banale que la disparition d'un crayon au cours d'un tour de magie. Et la spectaculaire scène d'ouverture dans les airs moins significative qu'un hold-up de clowns.
En 2008, le Joker proposait d'instaurer l'anarchie à Gotham. Un vrai programme politique, antithèse de l'ère sécuritaire de Bush. Quatre ans après, c'est beaucoup plus flou. Le terrorisme s'exprime sous vocoder triste, par la voix d'un Bane monolithique, pour délivrer un chaos aussi insoutenable qu’une chambre d’enfant mal rangée. Sa prise d'assaut de la mégalopole obéit à un plan rigoureux qui se confond avec la mise en scène millimétrée de Nolan. Pendant quinze minutes, dosage impeccable de l'action, du timing du scénario aux plans panoramiques (Imax oblige). Juste après, le film s’écroule sur lui-même, au fur et à mesure que des véhicules circulent dans Gotham et que les personnages s'agitent dans tous les sens. La pyrotechnie et les incohérences vident la dernière demi-heure de tout enjeu. La bande originale de Hans Zimmer, qui renoue avec sa veine la plus pompière, emporte les dialogues avec l'élégance d'un tsunami.
La trilogie Batman bâtie par Nolan retombe donc lourdement sur ses pattes. Christopher Nolan donne l'impression de se ramener sur scène pour une chanson de rappel. L'affrontement entre Batman et Bane se résume à un échange d'uppercuts, de vertèbres cassées et de chantage *baillement* à la bombe nucléaire. Pas de violence psychologique, pas de joute verbale, pas de confusion des valeurs... Le scénario file vers l'érection d'une statue pour Batman. Fini le paria, ciao l'homme qui se fait justice lui-même. « TDKR » évite surtout de se prendre la tête, triant les médailles à accrocher à la cape de son héros. Nolan a renoncé à tout point de vue sur la mythologie Batman, il a renoncé à s'en emparer pour raconter une autre histoire. C'est Batman punching-ball, Batman au fond du trou, Batman le phénix. Mais on ne le voit jamais planer.