--- Bonsoir, voyageur égaré. Te voila arrivé sur une critique un peu particulière: celle-ci s'inscrit dans une étrange série mi-critique, mi-narrative, mi-expérience. Plus précisément, tu es là au sixième épisode de la septième saison. Si tu veux reprendre la série à sa saison 1, le sommaire est ici :

https://www.senscritique.com/liste/Vampire_s_new_groove/1407163

Et si tu préfère juste le sommaire de la saison en cours, il est là :

https://www.senscritique.com/liste/les_petites_sirenes/3094904?page=1

Et si tu ne veux rien de tout ça, je m'excuse pour les parties narratives de cette critique qui te sembleront bien inutiles...---

Inégalables sirènes. Dès le cinquième jour, nous sommes déjà rendus à l'équivalent d'un Mary Sheley, ou d'un Ni Dieu Ni démons. Nous sommes déjà au stade où le cinéma ne se contente plus d'adapter scolairement le livre de référence, mais le met également en regard de l'histoire plus ou moins fantasmée de son propre auteur et de la genèse de son œuvre. Pas aussi abouti et profond que les deux titres cités plus haut cependant, The Daydreamer reste une fable charmante, qui prend pour prétexte de raconter l'enfance colorée de Hans Christian Andersen pour agglomérer plusieurs de ses histoires dans un même film. Vivant lui-même dans un conte de fée, où tous les vêtements sont des déguisements, où tous les mouvements sont des chorégraphies, le petit Andersen est le fils du pauvre cordonnier, contraint, pauvre de lui, à regarder le marchand de tartes passer sans pouvoir en manger (des tartes, pas du marchand), et à étudier pour espérer sortir de la misère. C'est donc un enfant comme un autre, avide de sucreries mais pas de connaissances, et ingrat face à tout l'amour que veux bien lui donner son père, à défaut de richesses. Le tout, à mon grand étonnement, en prise de vue réelle. On se croirait dans un Mary Poppins cheap, sentant fort les années 60, avec ses couleurs prolifiques et en même temps pas trop assumées, sa clarté éblouissante et sa quasi-absence de noirs.

Petit Andersen fugue, donc, (ah?), à la recherche du jardin du paradis, dont son père (pas très futé il faut le reconnaître sur ce coup là), lui a vanté les fruits, qui, en plus de rendre riches, ont fort goût de bonbons. Coup de bol (mais quel crétin le padre), le jardin du paradis serait juste de l'autre coté du fleuve qui borde le village. Pas de chance, le petit Andersen se révèle narcoleptique, et s'endort toutes les cinq minutes. Le fugueur le moins efficace de l'histoire du cinéma nous permet cependant de faire plusieurs excursions, en stop-motion cette fois, dans ses rêves. Rêves qui se révèlent peut-être, métaphoriquement, être les fruits du jardin du paradis puisque ce sont eux, adaptés plus tard en contes, qui lui apporteront richesse et gloire. Nous voilà donc embarqués dans une série de contes, ou d'embryons de contes plus ou moins aboutis, puisque le jeune auteur aura à les remanier pour en faire les histoires que nous connaissons bien encore aujourd'hui. Je trouve assez habile d'ailleurs cette idée de laisser les histoires dans un état plus ou moins inachevé, apportant, à défaut de partout ailleurs, une certaine forme de réalisme dans la distance entre inspiration et œuvre. Du Vilain Petit Canard, par exemple, on ne retrouve qu'un petit caneton, effectivement un peu plus sombre que ses frères qu'on voit patauger un peu plus loin en compagnie de leur maman, tandis que le petit dernier préfère accompagner le fils Andersen dans ses aventures (comprendre, il fait la sieste avec lui sur la berge). L'histoire de Poucette est quant à elle déjà beaucoup plus proche de sa version définitive. On y retrouve rat et taupe (fichtre, diantre, mais c'est Boris Karloff qui fait la voix du rat en plus ! Mais quelle idée excellentissime!), hirondelle blessée, guérison, remerciement, et naissance dans une fleur. Ne manque que le début. Pour Les Habits de l'Empereur, le conte est déjà là dans son intégralité (puisqu'il relève plus de la fable que du récit d'aventure, c'est une histoire qui ne peut se dépouiller ni de sa mise en contexte ni de sa morale).

Et ma sirène alors ? Gracieuse, divine sirène, merci, merci, merci Jules Bass pour cette marionnette tissée de perfection, dans son écrin de candeur. Aussi bêtement romantique que la vraie, la petite sirène de ce soir subit également un destin bien plus tragique et proche du conte que celle de la version des studios Disney. Étrangement proches physiquement l'une de l'autre, je ne peux m'empêcher de me demander si l'aînée animagique a influencé la cadette de la superproduction du studio de Mickey. La séquence est par ailleurs celle qui exprime le mieux cette distance entre inspiration et œuvre, puisqu'elle s'éloigne plutôt sévèrement du conte dans sa version définitive. Pas de mutisme ni de jambes pour la sirène de ce soir donc, ne reste que le squelette de cette histoire tragique : un jeune homme tombe à la mer et se fait sauver par une sirène qui en tombe éperdument amoureuse. Alors qu'elle met sa propre vie en sursit pour lui, le mâle ingrat la délaisse au profit de ses intérêts, sans savoir qu'il la condamne. Là ou Disney plus tard ira tronquer cette fin tragique à grands renforts de « l'amour et la vérité triomphent toujours », Daydreamer respecte le conte sans le dénaturer. Amusant d'ailleurs de remarquer que les deux films disposent d'une scène quasiment identiques, celle où la sirène, seule sur son rocher au dessus de la mer, chante son chagrin. Mais Daydreamer rends la scène bien plus poignante, puisqu'elle sera la dernière nous présentant la sirène, et suggère qu'elle restera ici à jamais, seule sur cette frontière désolée entre terre et mer, à attendre le retour de l'être aimée, tout en sachant intimement qu'il ne reviendra jamais. La scène prend encore plus d'intensité quand on connaît le chagrin d'Andersen qui le poussera, à l'âge adulte, à déterrer ce vieux rêve de sirène pour se réincarner dans le personnage et y transposer sa peine.

Je reste cependant un peu sceptique sur la morale, non pas des contes d'Andersen, mais du film lui-même. Dois-je bien comprendre que le film dit à ses jeunes spectateurs qu'il peuvent fuguer, abandonner et sacrifier tous leurs amis en chemin, ils auront toujours leur brave papa pour venir les chercher et vendre ce qu'ils ont de plus précieux au monde pour les sauver ? Finalement je crois que je préfère encore le « parfois l'amour ne peux être réciproque et c'est si douloureux qu'il est préférable de se suicider » de ce brave Andersen. Mais il serait réducteur de résumer le film à sa morale, c'est un récit de voyage, et finalement le chemin est bien plus intéressant que la destination (peut-être que c'est ça plutôt la morale du film...). De cette stop-motion cartoonesque comme on en a plus jamais refait après Jules Bass, à cette narration ambiance recueil de nouvelles à fil rouge étrangement novateur à la date de sortie du film, sans oublier, évidemment, les incroyables passages chantées, qui une fois encore n'ont rien à envier à Disney. Does anybody has some luck to sell ♫ lalala...

Zalya
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le 17 oct. 2023

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