Et si le vrai message du film n'était pas celui que l'on pense ?...

Depuis que j’ai vu The Dead Don’t Die, ce film m’obsède. J’ai lu des articles, regardé des vidéos, toujours avec la même conclusion : le film est mauvais au pire, moyen au mieux. Moi, je l’ai trouvé très sympa mais, au-delà de ce sympathique petit moment, je sentais qu’il y avait autre chose, quelque chose de plus profond caché à l’intérieur du film.


J’avais beau voir les analyses d’à peu près tout le monde, c’était toujours la même chose : The dead don’t die propose une critique de l’Amérique de trump, de l’addiction à la technologie ou autres, etc. Critique puérile, déjà vue mille fois, en mieux, dans tant d’autres films, il faut bien l’avouer. Oui mais…
Et si cette critique simpliste et déjà vue n’était justement pas le message du film, mais un outil servant le véritable sous-texte ? Si Jim Jarmush ne critiquait pas notre addiction à nos téléphones, nos réseaux, nos drogues, ou du moins pas seulement ?


« The Dead Don’t Die ». Les morts ne meurent pas. Ça veut dire quoi ? Que les personnes qui nous ont quittées resteront à jamais dans nos cœurs ? Ça pourrait, mais rien dans le film ne va dans ce sens… Que les vieux acteurs en ont encore sous le capot ? Qu’ils sont encore là, prêt à montrer à la prime jeunesse ce qu’est être un artiste, même passé 70 balais ? Tom Waits, Bill Murray et Iggy Pop pourraient vous répondre qu’on est déjà davantage dans le sujet, mais les 3 gus étant des habitués de la filmo de Jarmush, je pense qu’on est encore en dehors.


Et si ça voulait tout simplement dire que le « cinéma de zombie » ne voulait pas mourir ? Si ça voulait dire que ces films et séries, traitant du même sujet (oh tiens, des zombies, ohlala c’est original…) nous arrivent par dizaines tous les ans et qu’à force, c’est relou ?
Cela pourrait expliquer l’attitude des personnages, qui semblent traverser le film avec une absence totale d’émotions alors qu’on parle quand même d’une putain d’invasion de zombies ! « Ça va mal finir », nous répète tout au long du film le personnage de Adam Driver, avec l’air de dire « tiens, il pleut ». Cela pourrait également expliquer que le quatrième mur soit brisé à plusieurs reprises, comme si Jarmush et ses acteurs nous disaient qu’ils étaient dans le film parce qu’on leur a demandé, mais qu’ils n’étaient pas à fond dedans, au point de briser la magie du cinéma.


Déjà, Jarmsuh, dans toute sa filmo, n’a jamais cédé à la mode d’un genre. « Only lovers left alive », à la limite, mais là c’était bien davantage un pur Jarmush qu’un film de vampires classique. The dead don’t die, lui, se présente comme un film de zombie tout ce qu’il y a de plus classique. Et à mon avis, c’est pour mieux s’en moquer.
En se moquant des gens accrochés à leur portable, leur wifi ou leur Chardonnay, Jarmush se moque également des afficionados des films de zombies, ainsi que des réalisateurs et scénaristes qui semblent céder à la facilité à nous en coller partout pour être « in », sans chercher plus loin la créativité.


Et si c’est ça, ça serait quand même un troll de génie, faut reconnaître.


Mais quand on y pense, pas mal de choses vont dans ce sens. Les personnages qui s’en foutent, déjà. Le titre. Le fait que Romero et ses zombies soient particulièrement cités, comme si (et c’est pas loin d’être vrai) il avait été le seul à proposer quelque chose de créatif dans le film de zombie, en partie parce que c’était nouveau. Le quatrième mur brisé à maintes reprises. Le personnage de Chloé Sevigny qui semble être la seule à y croire (d’ailleurs, il me semble que le quatrième mur n’est jamais brisé en sa présence). Le personnage de Tilda Swinton est un peu à part, mais le fait (attention SPOILER) qu’elle semble être la seule à pouvoir gérer la situation et aussi la seule à se barrer loin de tout ça en soucoupe volante (d’ailleurs, dixit Adam Driver, c’est « inattendu », alors qu’il connaissait le scénario) fait d’elle la personne la plus raisonnable (« j’en ai marre de vos conneries, je me tire » semble-t-elle dire). La tirade finale, que tout le monde déteste parce qu’elle explique tout ce que tout le monde avait déjà compris, pourrait être vue comme un ultime foutage de gueule au cinéma actuel qui explique tout, tout le temps. Je veux dire, Jarmush a-t-il déjà fait ça dans ses films ? Non. Pourquoi aurait-il commencé avec celui-ci ? Quant à la réplique finale, « what a fucked up world » (« Quel monde détraqué/pourri »), elle s’applique aussi bien à notre rapport à l’écologie et aux technologies qu’à un cinéma populaire clairement sur la dérive, qui ne prend plus aucun risque.


Bref, je vais peut-être bien trop loin, j’en suis conscient. Mais je ne peux pas m’empêcher de penser que quelque chose dans cette réflexion ne doit pas être loin de la vérité. De base, j’ai bien aimé le film (voir la critique « basique » plus bas), mais je refuse de croire que Jarmush puisse se contenter d’un simple film de zombie comme il en existe des milliers, sans rien y cacher dedans. Pas avec ce genre de personnages complètement décalés. Pas avec cette façon de briser le quatrième mur. Pas avec une soucoupe volante qui débarque de nulle part pour embarque le seul personnage qui ne semble pas humain.


Moi, je dis bravo à Jarmush. Parce qu’au-delà d’une sympathique comédie horrifique, il est parvenu à quelque chose que je pense être bien au-delà.



CRITIQUE DE BASE



*Que voilà une pellicule assez étrange !
C'est du Jarmush, y'a pas de problèmes. Personnages désabusés (mention spéciale à Bill Murray, mais pas que !), rythme très lent, dialogues lunaires, aériens, etc.


Mais c'est aussi un film bien à part. Un film qui ne se prend pas au sérieux, qui a pleinement conscience d'être un film et rien d'autre, qui brise le quatrième mur de façon étrange. Un film avec des petits détails intrigants, du genre qui nous laissent à penser qu'il y a quelque chose de plus dans ce film, quelque chose qu'il faudrait creuser. Quelque chose qui n'est pas cette critique du consumérisme fort peu subtile mais plutôt rigolote, quelque chose qui n'est pas juste de l'absurde pour de l'absurde, quelque chose qui nous donne envie de revoir le film pour bien faire attention aux détails.


Et des détails, il y en a. Entre ces scènes et dialogues étranges, ces clins d’œils à tout-va sur la pop-culture, ces phrases prononcées à priori de façon fortuite ou futile, mais en fait pas du tout, ces personnages complètement décalés (je pense particulièrement à Tilda Swinton, excellente), cette fin, que je ne spoilerai pas, cette musique qui revient comme un running gag... Non, vraiment, il y a un "truc" dans ce film qui m'a véritablement attiré, quelque chose qui en fait une oeuvre ne ressemblant à aucune autre, pas même au reste de la filmo de Jim Jarmush.


Et puis il y ces acteurs, excellents, dont les personnages sont savoureusement décalés (la thanatopractrice, le geek qui tient une boutique "d'essence et des trucs", l'ermite, et les autres. Cet humour à tout va, mais sans jamais trop en faire (si vous vous attendez à un style "Shaun of the Dead", oubliez). Cette photographie, excellente. Cette musique, composée par Sqürl (donc par Mr Jarmush lui-même, et son acolyte dont je ne sais plus le nom) qui distille une ambiance très old-school.


En gros, je comprends tout à fait que ce film puisse diviser autant les spectateurs, mais je ne comprends pas vraiment le bashing. Certes, on est loin du chef-d'oeuvre de ce réalisateur, mais tout de même.


D'ailleurs, vous savez quoi ? Je lui avais mis 6, mais plus j'y pense, plus il mérite 7.


Allez, zou.*

Gaulois
7
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Créée

le 8 oct. 2019

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Gaulois

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