Dans l'eau, on ne vous entend pas (beaucoup) crier.

Je garde un souvenir ému de la séance de À l’intérieur, un jour de fête du cinéma il y a quelque temps déjà. C’est pourquoi je suis allé voir le nouveau film de Alexandre Bustillo et Julien Maury avec beaucoup d'intérêt et plein d’espoir. Espoir amplifié par une excellente bande-annonce qui plante le décor, et qui a le bon goût de ne rien dévoiler.

Au bout d’1h21 de projection (environ), je suis moins conquis que par À l’intérieur, j’ai quelques petites réserves, néanmoins, dans l’ensemble, je suis satisfait.
Le concept de base est sacrément ambitieux et osé. Si on creuse un peu, l’histoire est classique (une maison mystérieuse), toutefois, le fait de la placer au fond d’un lac, ça démarque le film des autres œuvres.

The Deep House démarre timidement avec une petite présentation des personnages dans un ancien sanatorium ukrainien, qui aurait très bien pu être le décor d’un film entier. Mais non, ce n’est que l’introduction…

Nous sommes ensuite catapultés dans le sud de la France, où les choses sérieuses vont commencer.

Environ 1 heure de film se passe sous l’eau, soit environ l’équivalent du temps en oxygène disponible dans les bouteilles de notre couple d’explorateurs. Cela n’a l’air de rien comme ça, mais cette unité de temps avec contrainte renforce le côté survival, et donne un certain rythme au film. Point de longueur donc.

La découverte et l’exploration de la maison donne lieu à de belles scènes, avec des décors très travaillés, qu’on a envie de découvrir plus en détail, avec dans un coin de notre tête ces interrogations qui reviennent sans cesse : « qu’est-ce que tout cela cache ? que va-t-il se passer ? Dans quoi nos deux héros se sont-ils embarqués ? »

Le film retient donc toute notre attention avec brio jusqu’à un final qui, malheureusement, montre les limites de l’œuvre et de son histoire.

La résolution est finalement un peu décevante, c’est-à-dire que les explications ne laissent aucune place au mystère, il n’y a aucune ambiguïté.

Le film nous apporte tout sur un plateau, et nous devons nous en contenter.

Là où par exemple Le projet Blair Witch laissait planer un certain mystère, laissant au spectateur la liberté d’interpréter les événements comme bon lui semble, The Deep House ne laisse aucun voile, et fait voler en éclat les incertitudes. C’est dommage.

Alexandre Bustillo et Julien Maury avaient une excellente idée, mais ne savaient finalement plus comment la mettre en place pour l’exploiter à fond. En effet, au début, on voit un pentagramme dessiné en jaune, entouré de mystérieux symboles dans les ruines ukrainiennes. Plus tard, dans la maison, on retrouve le même dessin. Pourquoi ? Une idée avortée ?

Et le poisson… Une fois les grilles de la propriété franchies, il n’y a plus aucun poisson… sauf un gros, prétexte à un bon gros jump-scare. Gros poisson que l’on retrouvera plus tard vers la fin. Qu’est-ce que c’est que ce poisson ? Encore une idée avortée ?

S’il y a une explication derrière tout ça, je n’ai pas réussi à percer le mystère. Et je crois que les auteurs non plus…
Pour ce qui est de la conservation impeccable de la demeure engloutie (murs, bibelots, etc…), eh bien ce doit être l’œuvre de Satan ! Cela ne me choque pas du tout, au contraire, cela renforce le mystère et le malaise. C’est en fait une bonne idée, comme la remarque sur l’absence de poissons (sauf le gros).

Les auteurs mettent un petit taquet aux youtubeurs, notamment, qui ne s’intéressent qu’au nombre de vues et de likes. C’est-à-dire que nos deux héros, qui devraient nourrir leur passion de découverte, vont toujours plus loin non pas pour leur goût de l’exploration, mais par intérêt, pour rechercher le sensationnel, et ainsi faire exploser les vues.

C’est donc le retour de bâton pour nos deux inconscients qui ne font preuve d’aucun bon sens. Vous trouvez deux cadavres. Que faites-vous ? Vous prévenez les autorités ? Ben non, vous continuez pour faire exploser les vues. Ce côté immoral du couple retire une part d’empathie du spectateur envers eux. Je ne sais pas si c’était volontaire ou non.

Ces menus défauts ne gomment en rien le travail technique ahurissant nécessaire pour la bonne réalisation du film.

Faire une œuvre de fiction d’épouvante/horreur dont 85% de l’action se passe en submersion, c’est quand même fort. L’image est superbe, les décors superbes (comme je l’ai dit), et j’aime beaucoup le fait que l’ensemble n’ait pas été réalisé en found-footage. Il y a des prises de vues en found-footage, et d’autres non. Cet équilibre entre les deux rend la réalisation bien plus intéressante.
Je mentirais si je disais que je ne suis pas resté un peu sur ma faim.
Mais ce serait faire preuve de mauvaise foi et d’inutile sévérité que de fustiger l’ensemble pour une dernière partie un peu plus faible.
Des réalisateurs voulant innover et relever des défis techniques, on ne peut que louer leurs efforts. Si en plus le résultat est plus que correct, on peut bien pardonner quelques maladresses.

En tout cas, des films à concept, c’est toujours intéressant à voir.
6,5/10