Alors que les thrillers purs et durs meurent à petit feu dans les programmations cinéma, ils se métamorphosent lentement en une flopée de films d’horreur. Dernier en date, The Door.
En dessous du lit, de l’autre côté du miroir, du placard ou en l’occurrence, de la porte : il y a forcément quelque chose de terrifiant là où la matière empêche le regard de percer. Avec The Door, amputé de son préfixe The Other Side pour sa traduction (ou plutôt simplification) française, les dés sont rapidement jetés. Avec son affiche quasi-monochromatique, son visage d’enfant laissé trop longtemps dans un cercueil qui prend l’eau et la serrure en forme de lumière au bout du tunnel, Alexandre Aja nous promet une plongée dans les peurs les plus primales – celle de la vie et de la mort.
A proprement parler, Aja ne réalise pas : il produit. Le Frenchie qui nous représente le mieux internationalement dans le domaine de l’horreur (n’en déplaise à certains) grâce à des succès comme le remake de La Colline A Des Yeux, Piranha 3D ou plus récemment Horns avec Daniel Radcliffe (Harry Potter) est toutefois davantage aux commandes du projet que son réalisateur, Johannes Roberts, cinéaste anglais habitué aux thrillers flirtant avec l’horreur. Citons ainsi F comme exemple, ersatz un poil tardif de Eden Lake, Roadkill et Storage 24, ce dernier flirtant avec la science-fiction. Dans The Door, pourtant, pas de porte coulissante à l’horizon : que du gond, du couloir vieillot et du jardin aux arbres organiques. Ah, et une famille déchirée aussi.
Temple Run
Maria (Sarah Wayne Callies, soumise au destin funeste des femmes de héros dans The Walking Dead et Prison Break) et Michael (Jeremy Sisto) forment un couple parfaitement heureux. Le genre de bonheur de publicité pour Panzani, avec un papa, une maman, un garçon et une fille, tous heureux et chantant pour une malheureuse sauce bolognaise. En l’occurrence, on va plutôt aller chercher du côté des épices de curry plutôt que des tomates écrasées. Puisqu’il est plus facile pour Michael d’exercer son métier d’apothicaire sur place qu’à distance, par amour de l’exotisme, la petite famille s’installe en Inde. Les deux amoureux marchent dans le sable, tout est parfait. Un enfant s’approche, leur propose de jouer avec lui. Un contre-champ et donc, un jumpscare plus tard, le gosse a le visage de Joey Starr après une nuit de débauche. Premier réveil en sursaut provoqué par un cauchemar. Le premier d’un grand nombre.
La famille n’est pas si parfaite que cela. Lors d’un accident de voiture, Maria a perdu son fils, Oliver. Elle y était. C’est elle qui conduisait la voiture. Précipitée au fond d’un lac, elle a dû faire un choix alors que l’automobile était submergée. Elle a choisi Lucy, son autre enfant. De quoi traumatiser n’importe qui. A partir de là, The Door prend une direction intéressante : celle d’une horreur psychologique, où la violence des traumatismes psychologiques se matérialise en une entité maléfique. Bien aidée par Piki (Suchitra Pillai-Malik), la servante du manoir familial, la voilà s’enfonçant au fin fond des bois morts des coins reculés de l’Inde pour aller chercher de quoi faire son deuil dans les rites ancestraux. Tout est permis, un seul interdit : ne pas ouvrir la porte du temple. Devinez la suite.
Doggy or nanny, that’s the question
Dès lors que notre occidentale du jour, dans sa plus belle interprétation de son hubris passionnelle, a dérogé à la seule règle qu’on lui avait imposé, le déferlement des horreurs lui tombe dessus. Logique, présenté ainsi. Pourtant, il y avait matière à travailler les retombées d’un deuil raté de mille manières. La folie, les visions, les fixations, le couple qui pourrit de l’intérieur. Plutôt que de se consacrer à un chemin de croix, Johannes Roberts préfère déferler les mille maux de l’Égypte sur sa protagoniste. Quitte à s’emmêler les pinceaux et à confondre afflictions et attractions. On voit ainsi s’enchaîner, dans une démarche quasi-tape à l’œil, l’ensemble des écueils de l’horreur moderne, telle que définie, contrôlée et surtout survendue par Jason Blum.
La question n’est plus de savoir ce qui est cohérent dans le scénario, mais ce qui se vend à longueur d’année dans les productions pour ados de l’année. Vous voulez de l’apparition fantomatique ? Check. Du plan en contre-plongée dans l’escalier du grenier ? Check. Du mobilier qui bouge tout seul ? Check. Du démon (à quatre bras, nous sommes en Inde, rappel) désarticulé qui marche en faisant le bruit à chaque pas du tibia fracturé par Djbril Cissé contre la Chine ? Check. La liste n’est pas exhaustive. Peu à peu, le spectateur est soit lassé, soit soupirant devant un tel manque de finesse. Voire de respect, quand The Door prend le parti de faire mourir la servante avant le chien. Il faut bien offrir de la chair à canon gratuite au spectateur, seul gage de causalité gore face à des protagonistes protégés par leur seul statut narratif.
Dans The Door, la déception est née des espérances d’une introduction intéressante, et non du marketing lié au film. Elle en est de fait décuplée, puisque le film nourrissait l’espoir d’une démarche originale, et surtout, d’une prise de risque finalement inexistante. Comme si ça ne suffisait pas, voilà que le métrage se paie une fin digne de ce nom, loin des inepties de beaucoup de ses concurrents. Insuffisant pour sauver The Door de l’au-delà, mais suffisant pour que le spectre du regret vienne nous hanter quelque temps.
The Door, c'est ce type qui ne paie pas de mine, qui s'illumine brusquement par une remarque drôle, mais qui vous parle d'un coup très près du visage dès qu'il note votre intérêt pour sa petite personne. Et vous voilà prisonnier d'un gros relou qui cherche à tout prix à vous faire l'étalage de sa culture. Un peu beauf par moments, un peu gênant, carrément collant. Et puis, il repart comme il vient, et on regrette qu'il soit si désespéré d'amis qu'il sacrifie sa personnalité sur l'autel de la sociabilité. On aimerait qu'il ait un ami. Pas nous, simplement.