Je suis joie. Je suis félicité. Je suis extase. Je suis content, quoi. Je suis content parce que j'ai failli louper un très bon film, à faire ma feignasse. A remettre à plus tard au risque de louper le coche. Ce que je n'ai pas fait et j'en suis fier. Je dirais même que je me trouve globalement magistral sur ce coup-là. Bon, tout ça pour dire que j'ai beaucoup aimé le dernier film de Peter Strickland, cinéaste remarqué notamment par Berberian Sound Studio, que j'avais déjà beaucoup aimé. Le monde est bien fait parfois, non ?


Délaissant l'univers du giallo pour celui, tout aussi trouble et sulfureux, de l'érotisme période 70's, Peter Strickland continue son exploration d'un cinéma organique et sensitif à travers un récit jouant magistralement avec nos attentes de petits spectateurs vicelards. S'inspirant de cinéastes tels que Jesus Franco ou Luis Bunuel, le cinéaste évite cependant le piège de la simple citation pour accoucher d'une oeuvre atypique et forte, marquant durablement la rétine et l'esprit de ceux et celles qui se laisseront porter par l'expérience.


Jouant malicieusement avec les contraires, avec les rapports de dominant / dominé, Peter Strickland brouille constamment les pistes, nous perd parfois dans son labyrinthe mais pour mieux nous cueillir par la suite, à travers une magnifique histoire d'amour aussi belle que faussement déviante. Loin de tout cliché racoleur sur le sadomasochisme, l'auteur fait preuve au contraire de pudeur, d'une infinie délicatesse, préférant le sensoriel au déballage de chair, érotisant puissamment la plus petite étoffe de tissu avec une maîtrise assez hallucinante.


Intégralement féminine, la distribution fait des étincelles, en particulier le couple Sidse Babett Knudsen / Chiara D'Anna, toute deux sublimes et pleines de justesse, faisant preuve d'une implication physique et émotionnelle exemplaire. Peter Strickland les filme avec amour et respect, avec une fascination évidente, évident reflet des insectes qu'elles étudient. L'une, tel le papillon, est d'une beauté attractive mais dangereuse, attirée par la destruction. L'autre, plus proche du criquet, est peut-être moins flamboyante, moins gracile, mais recèle en elle une complexité, une profondeur qui ne parviendra qu'aux plus attentifs.


Loin d'être accessible mais passionnante pour qui se laissera tenter, The Duke of Burgundy est une oeuvre fascinante et hypnotique sur l'amour et le désir, sur notre abandon à l'être aimé, d'une fracassante beauté picturale proche d'une conte illustré et bénéficiant du talent indéniable de ses comédiennes et d'une bande sonore envoûtante.

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le 17 juin 2016

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Gand-Alf

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