Malgré la présence de Ti Lung, David Chiang ou Ku Feng, ce film n'est absolument pas un opus martial mais un drame historique mettant en scène la figure de Cixi qui aura inspiré des douzaines de fictions (cinématographiques ou télévisuelles) dont l’œuvre séminale est Sorrow of the Forbidden City. Fort heureusement, cette nouvelle adaptation est d'un bien meilleur niveau que le "classique" de Zhu Shilin. S'il faut encore un peu de temps (15-20 minutes) pour rentrer dans l'histoire et comprendre qui complote contre qui, Empress Dowager se suit avec grand intérêt sans pour autant jamais tourner le dos à son concept de "film de palais". On ne sortira ainsi à qu'une seule reprise de la cité interdite et ça sera le temps d'une scène au Palais d'Eté. Ce qui fait la différence est le soin accordé par le cinéaste Li Han Hsiang qui s'était extrêmement documenté sur cette période : les mœurs de la cour, le protocole, le mobilier, la décoration, les costumes etc... S'il n'a pas pu tourner dans la Cité Interdite, il connaissait bien le lieu pour s'y être rendu lors d'un précédent tournage (et que j'ai moi même pu visiter une seconde fois en mai dernier).
Le tournage en studio se sent lors des plans en dehors des palais où l'on devine facilement les décors peints et où le dédale de cours, pavillons et esplanades sont réduits à quelques marches en marbre et un couloir entre deux bâtiments. Le palais d'été est un peu plus bricolé surtout les quelques plans du feux d'artifice (une photo passée en négatif pour faire croire qu'il fait nuit). Toutefois le résultat est satisfaisant et plutôt crédible grâce à la réalisation très inspirée de Li Han Hsiang qui intègre la logique de son scénario dans son découpage. Pour signifier cette omniprésence de l'espionnage et des complots, il adopte une immense variété de plans qui évoque de multiplication de points de vues possible. Le film a beau se dérouler dans une poignée de pièces, il parvient à éviter tout académisme en ne reproduisant pratiquement jamais le même cadrage, sans pour autant rallonger la durée des plans. De plus le film alterne plans larges et des gros plans dénués de la moindre profondeur de champ, créant rapidement une ambiance claustrophobe et étouffante où l'air semble manquer autour des comédiens. C'est assez brillant et simple, sans être trop démonstratif à l'écran. Il en ressort une réelle intensité dramatique qui ne crée jamais d'ennui ou de lassitude.
Le casting est très surprenant et joue adroitement du contre-emploi avec Ti Lung dans le rôle du jeune empereur encore juvénile et maladroit dans les codes et jeux de pouvoir. David Chiang joue lui un eunuque trop candide qui se fait broyer par le système et les manipulations. Il n'est pas toujours juste mais ça fait plaisir de le voir dans une registre différent. Celà dit, celle qui est au cœur de toutes les attentions est Lisa Yu dans le rôle de Cixi et qui parvient à la nuancer, évitant d'être seulement une "garce" cruelle. Celà dit, j'aurais apprécié que le scénario détaille davantage les raisons de son refus de la guerre ou ce qui motive ces choix politiques (et ceux de ses conseillers) puisqu'ils conduiront en grande partie à la chute de l'Empire Chinois.
Outre un prix d’interprétation, son jeu a vraiment marqué les esprits au point qu'elle repris Cixi dans Le Dernier Empereur de Bernardo Bertolucci.
Le film connu un grand succès et une suite l'année suivante avec la même équipe et d'une qualité égale parait-il : The last tempest. Va falloir que je me commande ça.